Madame Courage, de Serge Quadruppani

Publié le par Yan

madamecourageSans surprise, le troisième volet des enquêtes de Simona Tavianello, l’héroïne hédoniste callipyge de Serge Quadruppani, est, à sa manière, une sorte d’ouvrage de vulgarisation romancée à propos d’un sujet de société. Après la collusion entre les pouvoirs économiques et politiques dans Saturne, puis les ravages de multinationales de l’agroalimentaire sur la nature dans La disparition soudaine des ouvrières, l’auteur aborde, en envoyant Simona Tavianello à Paris, celle du djihadisme.

Toujours solidement documenté, Quadruppani arrive ainsi à travers une intrigue d’apparence légère à mettre en lumière les mécanismes de l’embrigadement des jeunes djihadistes au lendemain du printemps arabe mais aussi la duplicité quand ce n’est pas l’incompétence des services antiterroristes.

Ce fond on ne peut plus sérieux se trouve bien servi par une forme qui l’est moins, laissant place, grâce aux personnages de Simona et de son époux à quelques odes à l’épicurisme mais aussi par le biais de Francesco Maronne, qui a hérité de son père aperçu dans Saturne la capacité de résoudre les enquêtes en dormant, à une forme de travail de fabuliste. Le tout enrobé de quelques considérations à l’humour caustique comme lorsque le client d’un restaurant, lançant ainsi véritablement l’intrigue, découvre dans son plat de tajine une main tranchée :

« En quelques secondes, tout le monde fut debout, tout le monde cria, car tout le monde fixait ce qui reposait dans la semoule : une main tranchée. De la coupure, où se voyaient les veines et les tendons émergeant des chairs, du sang avait coulé sur le grain beurré avant que la chaleur de celui-ci ne cuise les tissus. Quand elle provenait du dépeçage d’autres mammifères qu’eux, la présence de matière organique sur une garniture d’origine végétale déclenchait fréquemment chez les humains la salivation mais, là, il y eut presque aussitôt plusieurs vomissements. Une jolie femme se répandit la première aux dépens de sa robe printanière à 2000 euros, aussitôt imitée par un voisin à tête de notaire. »

Bref, l’on prend toujours plaisir à retrouver la plume alerte et l’ironie que Serge Quadruppani met au service de cette série de romans à l’apparence légère mais dotés d’un véritable fond ainsi que, bien entendu, son héroïne à l’image de ses livres, intransigeante et déterminée sans pour autant renoncer à la jouissance.

Serge Quadruppani, Madame Courage, Le Masque, 2012. Rééd. Folio Policier, 2014.

Du même auteur sur ce blog : Colchiques dans les prés ; Saturne ; La disparition soudaine des ouvrières ;

Publié dans Noir français

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V
le dernier Quadruppani que j'ai lu m'avait profondément ennuyé, peu palpitant avec des faux airs de Montalbanao<br /> Bref la déception<br /> donc je préfère m'abstenir
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