Le crépuscule des flics, de Joseph Wambaugh
Nigel St Claire, producteur hollywoodien, a été assassiné. Alors que l’enquête piétine, ce sont Al Mackey et Martin Welborn qui héritent de l’affaire grâce à leur formidable capacité à résoudre, en inventant d’incroyables histoires et en mettant de préférence tout sur le dos d’un suspect déjà mort, les énigmes insolubles.
Découvrir sur le tard Joseph Wambaugh grâce à la publication de ses derniers romans au Seuil puis chez Calmann-Lévy, c’est aussi être amené à se plonger dans ses ouvrages plus anciens, comme ce Crépuscule des flics de 1981. On peut d’ailleurs féliciter Robert Pépin qui, au Seuil puis chez Calmann-Lévy dans sa collection « Robert Pépin présente », a su redonner ses lettres de noblesses à cet auteur culte en passe d’être oublié. Il faut dire que si l’on était tombé sur les plus vieux romans de Wambaugh avant d’avoir eu en main les plus récents, on n’aurait sans doute pas perçu tout le talent de l’auteur tant on constate à la fois l’indigence des titres (Le crépuscule des flics… non mais… le titre original, The Glitter Dome, le nom d’un rade pourri où se réunissent les flics du commissariat d’Hollywood mis en scène par Wambaugh, est à la fois plus sobre et plus révélateur des romans de cet auteur) et la faiblesse de la traduction farcie d’un argot déjà démodé en 1982 et, qui plus est, souvent très approximatif (et dire qu’il a fallu deux traducteurs pour arriver à ça…).
Mais ne boudons pas notre plaisir, car on trouve déjà là la structure immuable des romans de Wambaugh : une enquête qui sert de fil rouge et qui est prétexte à la description des états d’âmes de deux enquêteurs autant qu’à celle d’un commissariat haut en couleur peuplé de flics harassés, d’agents violents en quête d’un suspect à descendre, et d’inspecteurs persuadés d’être des héros de cinéma. On ne peut d’ailleurs que relever aussi la similitude existant entre la Fouine et le Furet, les deux inspecteurs des stups de ce Crépuscule des flics[1] et le Bris et le Débris, les deux agents surfeurs des derniers romans de Wambaugh et celle existant entre les différents duo d’agents violents et bêtes à faire peur qui peuplent toute l’œuvre du romancier.
Bref, voilà encore une fois un livre au rythme maîtrisé alternant les passages les plus sombres, à travers notamment les vies personnelles de Mackey et Welborn, mais aussi les cauchemars qui hantent ce dernier, et ceux plus légers, souvent hilarants, qui content les mésaventures des flics des stups où le harcèlement du capitaine du commissariat. C’est bien cet équilibre parfait entre drame et comédie qui fait le charme de Wambaugh ainsi que, bien entendu, son regard incisif, à la fois bienveillant et sans pitié, sur ses anciens collègues flics. Dans une société déliquescente où les producteurs hollywoodiens ne valent pas mieux que les maquereaux d’Hollywood Boulevard, les flics de Wambaugh apparaissent autant comme des protecteurs que comme des dangers publics, des gens finalement pas si différents de la société dans laquelle ils évoluent… sauf qu’ils ont des flingues et le droit de s’en servir.
Joseph Wambaugh, Le crépuscule des flics (The Glitter Dome, 1981), Presses de la Cité, 1982. Rééd. Le Livre de Poche, 1990. Traduit par Éric Waton et Judith Crews.
Du même auteur sur ce blog : Bienvenue à Hollywood ; Soleils noirs ; San Pedro la nuit ; Les nouveaux centurions ;
[1] « Le vieux Carl Greenberg disait toujours qu’une vie de policier traverse quatre phases : suffisance, contention, compromis et désespoir. Les plus veinards ou les plus bêtes n’atteignaient pas la phase quatre. Le Furet et la Fouine en étaient toujours à la phase un. Des fanfarons, quoi. »