De nos ombres, de Jean-Marc Graziani

Publié le par Yan

En 1954 à Bastia, dans les combles de l’appartement familial, Joseph, douze ans, découvre trois enveloppes dissimulées dans des disques remisés là par l’ancien propriétaire des lieux. Il découvre aussi son « don », ces voix qui lui parlent et le hantent.

Mammò, son arrière-grand-mère, femme puissante, respectée et crainte, va l’accompagner dans la découverte de ce don qui apparaît autant comme un poids que comme une bénédiction pour l’enfant qui se rapproche de la vieille dame et lève le voile sur le passé familial.

Avec ce premier roman, Jean-Marc Graziani nous entraîne dans les replis d’une mémoire que les événements mais aussi la détermination à maintenir le secret ont bâillonné et qui ne demande qu’à hurler son existence. Elle le fait à travers le don dont est – d’une certaine manière – affligé Joseph qui donne la parole à une série de personnages devenus fantômes, mais aussi à travers la plume du narrateur qui ouvre le roman et dont on ne saura jamais vraiment à quel point il représente Joseph et/ou l’auteur.

Car outre un formidable jeu de piste qui frôle le réalisme magique et s’engage parfois dans le fantastique pur, il y a dans De nos ombres une particulièrement intéressante construction de divers niveaux de lecture. Histoire familiale, portrait d’une société tiraillée entre ses traditions, croyances, morale et la vie de femmes et d’hommes confrontés à leurs sentiments et à une Histoire qui les dépasse, réflexion sur le pouvoir de l’image (un formidable passage sur ce que voient les photographies) et la manière dont l’écriture peut créer une autre réalité, De nos ombres est tout cela à la fois. S’il n’est pas impossible de s’y perdre parfois tant tout cela s’entremêle, il faut avoir confiance en l’auteur, se laisser porter sans crainte de se faire égarer. Le voyage, alors, au-delà même de ce qu’il nous offre à voir de ces tiraillements, de ces lourds secrets qui ne demandent qu’à émerger, se fait pur plaisir de lecture.

Jean-Marc Graziani, De nos ombres, Joëlle Losfeld, 2020. 193 p.

Publié dans Littérature "blanche"

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