Le dernier thriller norvégien, de Luc Chomarat
Delafeuille est de retour. L’éditeur de poésie et de romans d’espionnage en série a finalement vendu sa maison d’édition pour devenir employé des célèbres éditions Mirage. C’est pour elles qu’il se rend à Copenhague (oui, Le dernier thriller norvégien se déroule au Danemark) afin de rencontrer le pape du thriller norvégien, Olaf Grundozwkzson, et lui faire une offre en vue de la publication en France de son dernier ouvrage. Or, au même moment, un tueur en série, surnommé l’Esquimau, terrifie le Danemark. Hasard ? Sans doute pas.
Comme dans L’espion qui venait du livre, dans lequel Delafeuille se trouvait aux prises avec le personnage principal des livres d’espionnage bas de gamme de son auteur John Davis, l’éditeur est plongé une nouvelle fois quelque part entre la réalité et la fiction. C’est l’occasion pour Luc Chomarat de pointer avec humour les mécanismes des modes éditoriales dans lesquelles le texte s’efface derrières les colonnes de feuilles Excel. Si ça n’était que ça, on aurait vite fait le tour et Luc Chomarat ne dirait finalement rien de bien original. Or, dans cette métafiction joyeusement piquante, il n’oublie pas aussi de montrer le pouvoir de la littérature et la manière dont celle-ci peut en soi exister au-delà de ces modes, au-delà des réflexes conditionnés des gestionnaires. Le simple fait que ce livre paraisse – à la Manufacture de Livres, toujours audacieuse – le démontre, et on peut d’ailleurs même espérer que ce roman aura le succès qu’il mérite afin d’en apporter définitivement la preuve.
Ici tout s’imbrique et même s’enchevêtre : pastiches de thriller nordique ou de romans basés sur des mélanges dangereux de fiches wikipédia et de poncifs (formidable description de Copenhague et de la société danoise en général), réflexion sur la perception que l’on a de la réalité et de la fiction, ironie mordante et ode à la littérature. On se laisse porter par ce récit échevelé et l’on finit par trouver normal de voir Sherlock Holmes assister Delapierre dans la quête du manuscrit perdu qui pourrait lui faire comprendre ce qui lui arrive. Bref, on s’abreuve là à la meilleure source en termes d’humour et d’intelligence. Brillant.
Luc Chomarat, Le dernier thriller norvégien, La Manufacture de Livres, 2019. 207 p.
Du même auteur sur ce blog : L’espion qui venait du livre ; Un trou dans la Toile ; Le polar de l'été ;