Banlieues parisiennes Noir
Après Marseille Noir en 2014, les éditions Asphalte propose un nouveau volume original consacré à la France dans leur collection « Asphalte Noir ». Si un volume sur Paris, initialement édité par Akashic Books, avait paru, les éditrices d’Asphalte ont choisi d’élargir le champ pour s’intéresser aux périphéries de la capitale. Avec Hervé Delouche aux manettes, on part donc à la découverte de ces lieux disparates, de la forêt de Fontainebleau aux quartiers cossus de Neuilly-sur-Seine, en passant par les barres d’immeubles de Mantes-la-Jolie ou Sarcelles, les friches d’Ivry, les quartiers d’immigrés de Pantin ou la prison de Fleury-Mérogis.
Une fois encore, il convient d’accepter les limites de l’exercice : rares sont les recueils qui accueillent des auteurs différents dans lesquels toutes les nouvelles se valent à nos yeux. Banlieues parisiennes Noir n’y échappe pas et si l’ensemble se révèle être une agréable lecture, il n’en demeure pas moins que certaines nouvelles sortent à notre sens du lot.
C’est le cas d’abord de Fin des travaux prévue : février 2027, de Guillaume Balsamo, qui met en scène un trio de dealers particulièrement crétins confronté à un tueur qui sème des dizaines de cadavres dans les friches industrielles de la ville. Enlevé, c’est un texte original et que se distingue par la touche d’humour qu’il apporte.
Bien plus sombre, désespéré et presque désespérant, On des yeux pour croire, d’Insa Sané, qui conte le parcours d’un jeune homme dont la volonté de créer un centre culturel irrite les élus est particulièrement frappant.
Frappante aussi la nouvelle de Christian Roux, Métamorphose d’Emma F., qui relève presque du conte horrifique avec son personnage principal de jeune femme obèse et marginale animée d’une terrible soif de revanche sur le monde.
Timothée Demeillers, lui, nous amène à Pantin, dans la communauté albanaise. Dans Enfin, Pantin, le personnage fuit en France les dures lois du kanun qui régissent la vendetta dont il est une victime désignée dans son pays. Mais peut-il vraiment se fondre et disparaître ici ?
Anne Secret, elle, à travers une histoire familiale dramatique, Les Ombres du Trapèze, fait réémerger l’histoire industrielle de Boulogne-Billancourt, évoque la gentrification, la fin d’une certaine façon de la lutte des classes…
Celle-ci est aussi à sa manière évoquée par Patrick Pécherot dans Le jour où Johnny est mort ; une lutte des classes qui a peu à peu laissé la place à une autre, qui ouvre moins de perspectives, entre ceux qui, dans un Nanterre bouffé par la Défense, ne font pas partie du wagon des winners. Par ailleurs, Pécherot ajoute à cela une intéressante réflexion sur le rôle de l’écrivain.
Pour ces nouvelles, pour d’autres aussi que l’on ne détaille pas ici, Banlieues parisiennes Noir constitue un recueil dans lequel on se plaît à grapiller et à revenir. Il est aussi la preuve, s’il est encore besoin d’en avoir une, de la cohérence du travail des éditions Asphalte.
Banlieues parisiennes Noir, présenté par Hervé Delouche, Asphalte, 2019, 265 p.