Handsome Harry, de James Carlos Blake

Publié le par Yan

Si John Dillinger a attiré les projecteurs et en particulier avec son deuxième gang, celui qui allait devenir l’ennemi public numéro un a commencé à ratisser les banques du Middle West avec une autre bande connue un temps sous le nom de Terror Gang. Il y avait là « Fat Charles » Makley, Russel Clark, John « Red » Hamilton et Harry « Pete » Pierpont aussi appelé « Handsome Harry » qui, s’il était plus discret que Dillinger était considéré comme le véritable leader du gang.

C’est à lui, donc, que James Carlos Blake donne la parole, à quelques heures de son exécution après son évasion ratée du couloir de la mort de la prison fédérale de l’Ohio. Ainsi Handsome Harry va raconter sa vie et surtout deux rencontres : celle de Dillinger, bien entendu, mais aussi celle de sa compagne, Mary Northern.

Après deux romans divertissants consacrés à la famille Wolfe mais dépourvus en partie du souffle de la plupart de ses autres œuvres, c’est avec jubilation que l’on retrouve le James Carlos Blake chroniqueur d’une Amérique construite sur la violence. Comme dans L’Homme aux pistolets ou le plus récent Red Grass River, Blake s’appuie sur une histoire tout ce qu’il y a de vrai et surtout, en l’occurrence, très documentée pour construire un roman plein de souffle, de fureur, de sang, d’amitié et d’amour. Car un des ressorts de Handsome Harry, c’est en particulier le caractère de son narrateur : Harry Pierpont est un leader parce qu’il est audacieux et peut s’il le faut se montrer extrêmement violent, mais aussi parce qu’il est réputé agir avec discernement et, surtout, être extrêmement fidèle à ses amis. C’est donc un narrateur « honnête », qui n’est dupe ni de ses propres défauts ni de ceux de ses complices qui raconte cette histoire.

Si l’épopée du gang est connue pour avoir eu les honneurs de la presse, suscité des procès retentissants et avoir alimenté les dossiers du FBI, James Carlos Blake vient lui donner de la chair en remplissant les interstices qui n’ont jusque-là pas été comblés, ou jouer avec les éléments contradictoires qu’a laissé l’histoire derrière elle : les commanditaires, les complices qui donnent des coups de main, l’intimité de la préparation des coups et bien entendu les sentiments qui animent les personnages : histoires d’amour, amitiés fidèles ou haines tenaces font la chair de ce récit dont James Carlos Blake, dans une ultime note rappelle : « cet ouvrage est un roman, et en tant que tel, se préoccupe moins des faits que de la vérité ».

Cette vérité, c’est donc celle de Handsome Harry, 32 ans dont 13 d’une carrière criminelle faite de passages en prison, d’évasions spectaculaires, de mois de liberté consacrés à monter des braquages qui ont impressionné ses contemporains et à tout simplement vivre comme il l’entendait, avec ses amis et la femme de sa vie. Derrière cela, bien entendu, se dessine aussi l’Amérique de ce temps et en particulier celle du début de la Grande Dépression. Une Amérique dans laquelle un Dillinger effraie certes, mais attire plus la sympathie qu’un banquier et qui continue à se bâtir dans la violence.

Bref, un grand plaisir de lecture et le bonheur de retrouver un James Carlos Blake à son meilleur niveau.

James Carlos Blake, Handsome Harry (Handsome Harry, 2004), Gallmeister, 2019. Traduit par Emmanuel Pailler. 316 p.

Du même auteur sur ce blog : Crépuscule sanglant ; Red Grass River ; La loi des Wolfe ; La maison Wolfe ;

Publié dans Noir américain

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