La Petite Gauloise, de Jérôme Leroy

Publié le par Yan

Qui a lu les derniers romans de Jérôme Leroy ne sera pas dépaysé par le contexte de La Petite Gauloise. Qui ne l’a pas encore lu, découvrira cette France de presqu’aujourd’hui, légèrement dystopique, dans laquelle le Bloc Patriotique, parti d’extrême-droite, a fait son nid au Parlement, au Gouvernement, dans les collectivités locales et aussi, bien entendu dans les consciences. C’est d’ailleurs dans la fraîchement renommée rue Jean-Pierre Stirbois d’une grande ville portuaire de l’ouest de la France que le capitaine de Direction générale de la Sécurité intérieure Mokrane Méguelati se voit proprement décapité par la décharge d’un fusil à pompe grand luxe de marque Taurus dont la nouvelle municipalité du Bloc Patriotique, qui ne lésine pas sur la sécurité de ses administrés, vient d’équiper ses agents de police.

La mort de Mokrane Méguelati, qui ouvre la novela de Jérôme Leroy – et signalons au passage un beau travail graphique de La Manufacture de Livres qui renouvelle cette collection de courts textes – est un point de basculement. Il y a l’avant, la façon dont se mettent en place les éléments du drame à venir, et l’après, la manière dont celui-ci va se dérouler. Il y a surtout une petite foule de personnages, flics antiterroristes à la recherche de cellules djihadistes, adolescents paumés, professeur de français sexuellement frustré, romancière pour adolescents vaguement désenchantée, terroristes sur le point d’agir. Dans cet échantillon d’humanité triste, la Petite Gauloise du titre, celle dont viendra l’onde de choc, consumée par une colère sans effusion. La Petite Gauloise, c’est surtout l’histoire d’une société qui perd pied, sans joie et sans indignation autre que de façade, d’un monde de frustration que chacun à sa manière voudrait voir définitivement s’effondrer. Certains, plus que d’autres, sauront tout de même y mettre du leur pour tenter d’accélérer cet effondrement.

Tout cela est bien sombre, certes, pas franchement folichon. Mais Jérôme Leroy choisit une narration qui vient quelque peu contrebalancer le poids tragique de son histoire. Narrateur omniscient bien qu’il s’en défende – mollement – il se fait ironique, cynique même, et volontiers goguenard dans la description des travers de ses personnages, de leurs petits secrets honteux, ou de leurs actes qui relèvent parfois de pure volonté de nuire et d’autres fois de la simple bêtise, de l’ignorance crasse, de l’amour propre mal placé ou de l’arrogance. Pour autant, il ne sombre pas non plus dans le grand guignol, le sketch de l’auteur revenu de tout qui regarde avec dédain ses contemporains. Tous ces personnages, à leur manière sont certainement un peu de Jérôme Leroy et un peu de tout le monde. Leur bêtise, leurs frustrations ou leur suffisance sont simplement humains. Des humains qui cherchent sans vraiment la trouver leur place dans un monde dans lequel ils ne se reconnaissent plus vraiment.

C’est joliment raconté, habilement fait, et ça titille autant le cerveau que les zygomatiques, même si ces derniers se crispent parfois.

Jérôme Leroy, La Petite Gauloise, La Manufacture de Livres, 2018. 143 p.

Du même auteur sur ce blog : Le Bloc ; L’ange gardien ; Vivonne ; Les derniers jours des fauves ;

Publié dans Noir français

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B
bonjour<br /> pas besoin de beaucoup de pages pour dire la vie de maintenant avec autant de clairvoyance. je découvre ce monsieur et vraiment je vais lire les autres lui il écrit pas pour rien!( le bloc) est pas mal aussi<br /> encore un que je découvre graçe à vous, je me trouve moins ignare.A bientôt avec ma mauvaise prose et mes fautes ça doit vous faire rire ou pleurer!!
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Y
Merci et bonnes lectures!