VIP, de Laurent Chalumeau
Dans Les pleins pouvoirs, en 1997, Luther Whitney (Clint Eastwood), cambrioleur de son état, assistait au meurtre d’une femme par le président des États-Unis (Gene Hackman, toujours sublime en salopard cynique). Patrice Corso n’est pas Clint Eastwood. Il ne dispose ni de la ruse ni de l’endurance de Luther Whitney. Et on n’est pas en Amérique. Pour autant, ce que ce paparazzo vient de filmer et photographier dans l’appartement d’une actrice de seconde zone et qui se solde par quatre cadavres dont un garde du corps du président de la République a de quoi le mettre dans une situation au moins aussi délicate que celle de Clint. La mécanique qui se met en marche à ce moment-là est relativement logique : il convient d’étouffer l’affaire pour les services de l’État et de ne surtout pas faire trop de zèle pour les enquêteurs. Mais il y a toujours quelques grains de sables qui se promènent dans ce genre de rouages. Patrick Corso, donc, qui se demande bien ce qu’il va pouvoir faire de ses images, mais aussi quelques flics et une juge, pas très convaincus par la thèse très vite avancée du pétage de plomb suivi d’un suicide du garde du corps du président.
Laurent Chalumeau, dans ce nouveau roman, s’en donne à cœur joie. Épaulé par tout une tripotée de personnages qu’il fait évoluer avec un sens aigu de la mécanique du récit, de l’art du contre-temps (on avance un peu dans l’action avec l’un, on revient un peu en arrière avec l’autre et tout s’emboîte) et des mots qui claquent, il se lance dans un salutaire jeu de massacre du système politico-médiatique. Avocats pourris, conseillers louches, barbouzes, journalistes à la rébellion très calculée, bel ensemble d’égocentriques avides de pouvoir et surtout de donner l’illusion qu’ils en ont quand ce n’est pas le cas défilent devant quelques flics et juges encore dotés d’un semblant d’honnêteté et morale mais placés face à l’éternel dilemme du lanceur d’alerte qui sait que le fait d’avoir la conscience tranquille peut aussi s’accompagner d’un dépeçage en règle par la meute.
Tout cela est mené tambour battant avec un réel talent pour pousser les stéréotypes juste assez loin pour ne pas tomber dans la grosse caricature. C’est ce qui permet à VIP d’être un roman foncièrement marrant sans pour autant abandonner toute réflexion sérieuse. De la belle ouvrage.
Laurent Chalumeau, VIP, Grasset, 2017. 270 p.
Du même auteur sur ce blog : Elmore Leonard, un maître à écrire ; Kif ; VNR ;