Sara la noire, de Gianni Pirozzi

Publié le par Yan

sara la noireSans être physiquement présente, Sara la noire, la sainte des gitans qui trône aux Saintes-Maries-de-la-Mer, plane sur le roman de Gianni Pirozzi puisque c’est à elle que s’en remet totalement Guillermo. Le flic d’origine gitane, mais aussi proxénète et dealer à ses heures perdues, lancé depuis des années dans la recherche désespérée d’une enfant disparue des années plus tôt, alors qu’il officiait dans le Sud-est de la France, ne pourra en effet compter que sur elle.

Hanté par cette affaire mais aussi amoureux fou d’Hafzia, la marocaine qu’il a réduit à la prostitution et à la drogue après l’avoir sortie des griffes d’un mari violent et qui, par bien des aspects est à la fois une sorte d’avatar de Sara et de double de l’adolescente qu’il n’a jusqu’à présent pas pu retrouver, Guillermo avance sur un fil que l’on sent prêt à lâcher.

Harcelé par l’ex-mari d’Hafzia, l’IGS aux basques…  Et Djibril l’adolescent tout juste sorti de prison après les émeutes de 2005 et qui voudrait se faire un nom à ses trousses après avoir accepter un contrat visant le policier, Guillermo se lance dans une fuite en avant désespérée dans laquelle sa vie ne tient plus qu’à l’hypothétique protection de Sara la Kali.

Variation, si l’on en croit – et on le croit, bien entendu – la postface de Christophe Dupuis sur une nouvelle de Marc Villard intitulée Entrée du Diable à Barbès-Ville, Sara la noire est un roman dont la brièveté est inversement proportionnelle à la noirceur qu’il exprime.

Sombre violent et désespéré, mettant en scène des personnages aux motivations ou besoins contradictoires et complexes, il vaut aussi évidemment pour la peinture que fait Gianni Pirozzi d’un Barbès chaotique et protéiforme dans lequel semble se chevaucher et se mêler plusieurs niveaux de réalité qui participe de l’ambiance tragique que les protagonistes instaurent par ailleurs par le biais de leurs actes. Des actes que l’auteur ne cherche d’ailleurs pas à clairement expliquer car ils sont le fait d’hommes et de femmes en rupture, à bout de souffle, dont la cohérence des actions est bien le dernier des soucis.

Il ressort de ce nouveau roman de Gianni Pirozzi un sentiment d’urgence mais aussi une course désespérée pour échapper à la fatalité. Car s’ils ont en quelque sorte déjà creusé leurs propres tombes, Guillermo, Djibril, et dans une certaine mesure Hafzia, veulent encore croire qu’ils peuvent échapper au tourbillon qu’ils ont contribué chacun à leur manière à mettre en branle. Par la grâce peut-être d’une sainte protectrice qui saura voir ce qu’il y a de bon en eux. Cela donne au final un des très beaux romans noirs de l’année.

Gianni Pirozzi, Sara la noire, Rivages/Noir, 2014.

Du même auteur sur ce blog : Romicide ; Hôtel Europa ;

Publié dans Noir français

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L
de la haute came, yes
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