Presse People, de Carl Hiaasen
On se demandait, depuis que Denoël avait cessé de publier Carl Hiaasen, si un éditeur français allait finalement reprendre la publication de ses romans. C’est finalement le cas des Éditions des Deux Terres qui non seulement sortent un nouveau livre de l’auteur floridien, mais en profitent aussi pour rééditer Cousu Main, roman de 1989 quasiment introuvable aujourd’hui. Une publication simultanée qui a toute sa raison d’être puisque Cousu Main et Presse People ont en commun d’accueillir Blondell Wayne Tatum, dit Chimio, tueur psychopathe défiguré doté d’un taille gazon à la place de son avant-bras amputé par un barracuda amateur de montres.
C’est donc sans surprise que l’on se trouve une nouvelle fois projeté dans une aventure délirante au cœur d’une Floride envahie de promoteurs véreux et de politiciens corrompus et protégée par Skink, ancien gouverneur probe exilé dans les Everglades d’où, entre deux passages sur la route pour récupérer les animaux écrasés qui lui serviront de repas, il pourchasse les parasites qui entendent aggraver encore l’emprise des touristes et des programmes immobiliers sur les quelques terres sauvages encore épargnées.
À ces éléments qui sont les marqueurs de ses romans, Hiaasen ajoute dans Presse People un autre fléau qui s’abat sur la Floride : les stars et la cohorte de paparazzi qui leur courent après. Cherry Pie, pur produit marketing sans autre talent qu’une formidable capacité à résister aux overdoses, s’est vue dotée d’un sosie, une jeune actrice, Ann DeLusia, chargée de donner le change lorsqu’elle se trouve dans une ambulance ou une clinique privée. Or, un pied de nez du destin va amener Ann à rencontrer Skink avant d’être enlevée par un paparazzi.
Si la trame d’un roman de Carl Hiaasen reste sans surprise (des situations rocambolesques, des personnages hauts en couleurs, une féroce satire de la société floridienne – et ici du star system et de la presse people – , et des crétins destinés à subir les pires avanies dans de réjouissantes scènes à valeur d’exutoire), il n’en demeure pas moins que l’auteur sait faire preuve d’une imagination fertile qui amène le lecteur à se demander constamment jusqu’où il va l’entrainer sans que le récit perde pour autant sa cohérence.
La machine Hiaasen est bien huilée et tourne au quart de tour. Peut-être un peu trop d’ailleurs, amenant le romancier à vouloir rallonger parfois inutilement certaines scènes ou certains dialogues au risque de perdre un lecteur qui attend un roman plus rythmé.
Reste le plaisir de retrouver un auteur dont on attendait depuis plusieurs années le retour, quelques scènes cultes et, au final, le plaisir d’une lecture qui, sans atteindre les sommets de folies de ses meilleurs romans, nous offre de bons moments de légèreté et de rire.
« -Vous croyez que c’est encore lui ?
Il entendait par là l’homme des bois qui avait pendu les braconniers des mers.
-Il a attaché notre victime à un sumac, dit Valdez. Puis il lui a enfilé une couche-culotte.
-Donc, la réponse est oui.
-À l’intérieur de la couche-culotte, il y avait un oursin.
L’inspecteur fit la grimace.
-Je parie que ça n’arrive jamais dans le Missouri, dit Valdez ».
Carl Hiaasen, Presse People (Star Island, 2010), Éditions des Deux Terres, 2012. Traduit par Yves Sarda.
Du même auteur sur ce blog : Mauvais coucheur ;
À propos de Carl Hiaasen sur ce blog : L’exutoire idéal.