Mauvais coucheur, de Carl Hiaasen

Publié le par Yan

mauvais coucheurOn fait parfois, sous le coup de l’énervement, des choses que l’on regrette après. C’est le cas d’Andrew Yancy qui a sodomisé le mari de sa maitresse avec un aspirateur portatif. Un acte irréfléchi qui lui vaut de perdre son insigne d’inspecteur de la police de Key West et d’être muté à la peu ragoutante « brigade des cafards » chargée d’effectuer les contrôles sanitaires des restaurants des Keys. Mais la découverte lors d’une partie de pêche par un jeune couple en lune de miel d’un bras humain peut être pour Yancy l’occasion de retrouver son poste et, partant, de reprendre les kilos qu’il perd depuis qu’il visite les arrière-cuisines des restaurants floridiens. Une enquête clandestine et échevelée qui va le mener de Key West aux Bahamas et lui faire croiser nombre de personnages hauts en couleurs, à commencer par un singe ex star de cinéma colérique et, par ailleurs, complètement pelé.

C’est toujours avec plaisir que l’on retrouve Carl Hiaasen dont on pensait, jusqu’à ce que les Éditions des Deux Terres entreprennent il y a deux ans de l’éditer à la place de Denoël, qu’il était définitivement perdu pour le public français. Après Presse People en 2012, excursion, même si elle était floridienne, dans le monde du star system, le revoilà donc avec ce Mauvais coucheur dans lequel on retrouve tous les thèmes qui lui sont chers : saccage d’une nature livrée aux promoteurs, corruption, arnaques… le tout enrobé dans des nuances d’humour allant du pince sans rire au plus délirant, en passant par un cynisme achevé.

Pour aimer particulièrement Hiaasen, on pourra cependant sans doute regretter une intrigue aux trop longues circonvolutions avec en particulier une fin qui ne cesse de s’étirer, mais, indéniablement, le plaisir de retrouver la plume piquante du journaliste qui a tout vu des dérives d’une Floride livrée aux flots de touristes et retraités ainsi qu’à la nuée de marchands du temple qui les suit finit toujours par l’emporter. Plus qu’à l’enquête de Yancy sur le bras retrouvé, c’est donc plus à toutes les intrigues secondaires et aux personnages annexes que l’on s’intéresse : la haine de Yancy à l’égard de son voisin promoteur qui a défiguré son paysage et dont l’ex-policier se plait à pourrir la vie, les contrôles sanitaires épiques au milieu des cafards, et les portraits hilarants de toute une galerie de personnages croisés au détour des chapitres :

« Le propriétaire de la homarderie de Big Luke, qui s’appelait Luke Motto, était un ancien jockey de pur-sang, qui plafonnait à un mètre cinquante-sept. On l’appelait Big Luke parce qu’il était le plus grand de ses six frères et sœurs. »

S’il n’est certainement pas le meilleur roman de Carl Hiaasen, Mauvais coucheur se révèle donc cependant être un divertissement des plus honnêtes ; un roman qui fonctionne plus à l’énergie et grâce à quelques beaux moments de bravoure qu’à la faveur d’une intrigue solide, mais l’occasion toutefois de se payer quelques bonnes tranches de rire et de se dépayser un peu.

Carl Hiaasen, Mauvais coucheur (Bad Monkey, 2013), Éditions des Deux Terres, 2014. Traduit par Yves Sarda.

Du même auteur sur ce blog : Presse People.

Publié dans Noir américain

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