Le double portrait, de George Pelecanos
Un peu plus d’un an après Une balade dans la nuit voici donc de retour Spero Lucas, nouveau héros récurrent de George Pelecanos. Le vétéran de la guerre d’Irak reconverti dans l’enquête privée à Washington se lance ici à la recherche d’un homme qui, après avoir séduit une femme a fini par l’abuser et disparaître avec une toile, le double portrait du titre, de valeur.
On avait cru discerner dans le roman précédent quelque chose de prometteur après un passage à vide de Pelecanos le temps de quelques romans. Le double portrait vient, sur le plan de l’intrigue, même réduite à sa portion congrue mais propice à d’intéressants portraits de personnages, confirmer cette impression sans pour autant retrouver le souffle de la production plus ancienne de l’auteur. Mais cela se complique clairement lorsqu’il aborde d’autres thèmes qu’il maîtrise de toute évidence beaucoup moins.
Ainsi, si l’on prend un réel plaisir à suivre Spero Lucas dans Washington et ses alentours et à le voir se confronter à la bande de racketteurs minables qu’il poursuit, on est aussi souvent gêné par certaines ruptures de rythme dues pour l’essentiel au fait que Pelecanos semble avoir depuis quelques temps décidé qu’il fallait nécessairement parler d’amour au lecteur. Cela donne une bluette insignifiante mais qui occupe un certain nombre de chapitres et des scènes de sexes qui se situent quelque part entre un roman Harlequin et un SAS. Autant dire que là où Pelecanos, dans la peinture sociale de sa ville, peut se montrer fin et pertinent, il apparaît gauche et sans finesse lorsqu’il se lance dans la romance.
Cela donne au final un roman qui, foncièrement, n’est pas désagréable à lire et qui peut tenir sans problème son office de divertissement entre deux bains de mer, mais qui finit par pécher par un manque évident de consistance accentué par cette façon maladroite qu’à Pelecanos d’aborder les histoires sentimentales de son personnage. Comme si à vouloir élargir le spectre des sentiments et thématiques abordés dans ses romans pour toucher un public plus nombreux, George Pelecanos finissait par diluer son talent. Voilà donc un roman encore lisible et parfois même bon, mais qui laisse tout de même un arrière-goût de « c’était mieux avant ». Et c’est à vrai dire un peu dommage.
George Pelecanos, Le double portrait (The Double, 2013), Calmann-Lévy, coll. Robert Pépin présente, 2014. Traduit par Mireille Vignol.
Du même auteur sur ce blog : Une balade dans la nuit ; Mauvais fils ; Red Fury ;