La tuerie d’octobre, de Wessel Ebersohn
Une nuit d’octobre 1985, un commando sud-africain fait un raid au Lesotho contre des militants anti-apartheid. Parmi ces derniers, Abigail Bukula, 15 ans, voit sa vie épargnée grâce à l’intervention d’un jeune membre du commando, Leon Lourens. Vingt ans plus tard Abigail est devenue une haute fonctionnaire de la nouvelle « nation arc-en-ciel » et est abordée par un Leon Lourens cherchant sa protection. En effet, lui dit-il, voilà plusieurs années que, à la date anniversaire du raid, des anciens membres du commando sont assassinés et Leon sent que son tour arrive. Obligée par la dette dont elle se sent redevable à l’égard de celui qui lui a sauvé la vie jadis, Abigail décide de se renseigner, soulevant au passage des souvenirs qu’elle aurait voulu effacer et remuant un passé que bien peu de monde, dans un pays où seule l’amnistie des anciens crimes a permis d’avancer, a envie de voir ressurgir.
Trente ans après La nuit divisée et plus de vingt ans après Le cercle fermé, Wessel Ebersohn exhume Yudel Gordon, son héros juif, psychiatre des prisons ayant fait carrière sous l’apartheid, qui va devoir ici venir épauler Abigail Bukula.
Sorte d’anachronisme vivant dans un pays qu’il continue de peiner à comprendre, Gordon s’il demeure un personnage important et surtout toujours aussi complexe, tient ici avant tout un rôle d’adjuvant, Abigail étant la véritable figure centrale de La tuerie d’octobre. Toutefois, la confrontation de ces deux personnages, chacun portant ses propres fêlures mais représentant clairement deux époques plus que deux générations, est ce qui fait l’intérêt du roman et lui confère son épaisseur ; bien plus en tout cas que le portrait un peu vite expédié et déjà vu et bien vu dans les premiers romans de Deon Meyer ou dans ceux de Louis-Ferdinand Despreez, de la société sud-africaine post-apartheid que l’on pourrait s’attendre à trouver.
Fil rouge du roman sur lequel vient se greffer la relation entre Abigail et Yudel, l’enquête autour des morts du commando se révèle de facture classique, certes, mais efficace et permet à Wessel Ebersohn de broder sur le thème déjà rencontré dans La nuit divisée de la manière dont le bien et le mal peuvent se mêler lorsqu’il s’agit d’engagement, les bons, pas plus que les mauvais ne se trouvant forcément du côté attendu du manche et les salauds pouvant servir des idéaux louables.
Tout cela donne au final un roman qui n’a sans doute pas la force que pouvait avoir le saisissant La nuit divisée, mais qui se révèle être un thriller à la fois efficace et intelligent, fut-il sans grande surprise. Une lecture des plus agréables en tout cas.
Wessel Ebersohn, La tuerie d’octobre (The October Killings, 2010), Rivages/Noir, 2014. Traduit par Fabienne Duvignau.
Du même auteur sur ce blog : La nuit divisée ; La nuit est leur royaume ;