Défoncé, de Mark Haskell Smith
Alors qu’il sort de chez lui, Miro Basinas reçois une balle dans la poitrine. C’est d’autant plus déplaisant pour lui (« Une balle peut vraiment foutre votre journée en l’air ») qu’il planait jusque là sur un petit nuage après avoir remporté quelques semaines auparavant, à Amsterdam, la Cannabis Cup. Car Miro, botaniste amateur mais éclairé, a créé une herbe de très haute qualité qui devrait assurer à la fois son avenir matériel et sa réputation chez les fumeurs de joints pour des siècles et des siècles. Mais, de toute évidence, ce succès suscite aussi des jalousies.
Comme les précédents romans de Mark Haskell Smith, découvert en France il y a une petite dizaine d’années avec À bras raccourcis, Défoncé est pour le moins débridé. Il faut bien dire qu’avec une galerie de personnages rassemblant un botaniste admirateur de Floyd Zaiger, inventeur du pluot, un flic faussement détaché mais constamment malade, une infirmière dominatrice, un tueur psychopathe incapable de s’empêcher de ramasser n’importe quelle croûte accroché au mur du logement de ses victimes et un mormon converti au culte du burrito, il y a de quoi faire. Et, à partir de cet échantillon particulièrement secoué d’humanité, Mark Haskell Smith multiplie les combinaisons. Tel Floyd Zaiger essayant de croiser des prunes avec des abricots, Smith provoquent des rencontres étonnantes propres à aboutir à des scènes délicieusement hilarantes.
Un tueur débile, une infirmière qui ne dors jamais sans un godemiché-ceinture et un flic souffrant d’un rhume des foins ?
« L’étrange diorama qu’il trouva dans la chambre à coucher, une femme morte sodomisant un dealer tout aussi mort était difficile à comprendre. Et l’emprise des anti-histaminiques n’expliquait en rien sa confusion. »
Un mormon et un camion de marchand ambulant de burritos ?
« À l’église, on lui avait enseigné le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Dans le camion à tacos, on lui avait appris à remplir sa tortilla avec une autre variante de la Trinité : viande grillée, riz et haricots frits. Il ne savait pas comment qualifier la salsa, mais prendre une simple bouchée de cette substance gorgée de piments incandescents était un acte de foi.
Si Dieu l’avait envoyé sur Terre pour accomplir de bonnes actions et répandre le bonheur dans la vie des gens, c’était en lui faisant confectionner des burritos. »
Bref, l’auteur s’en donne à cœur joie et voilà le lecteur embarqué pour son plus grand plaisir dans une intrigue échevelée au rythme effréné partant dans tous les sens, certes, mais aussi savamment construite jusqu’à son explosif dénouement. Violent mais malgré tout joyeux, épicé et savoureux, comme un burrito, Défoncé est un de ces romans qui donnent la pêche (ou le pluot) ; une lecture revigorante.
Mark Haskell Smith, Défoncé (Baked, 2010), Rivages/Thriller, 2013. Traduit par Julien Guérif.
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