Ceci n’est pas une histoire d’amour, de Mark Haskell Smith

Publié le par Yan

Curtis est frustré. Auteur d’un roman formidable que personne ne veut publier, il connaît un succès involontaire et secret par le biais du livre qu’il a écrit pour Sepp Gregory, star de la télé-réalité connu jusque-là pour ses abdos en béton plutôt que pour la qualité de sa plume.

Une autre qui l’a en travers, c’est Harriet Post, blogueuse littéraire au verbe acéré bien décidée à démolir le best-seller de cet abruti de Gregory avant de s’apercevoir que ce bouquin est quasiment un chef-d’œuvre. Pour elle, pas de doute : le livre a été écrit par un nègre. Bien décidée à le prouver, elle décide de suivre Sepp Gregory durant sa tournée de dédicaces dans les librairies californiennes.

Pendant ce temps, faute de pouvoir vendre son grand roman américain, mais bien décidé à s’acheter un appartement, Curtis quitte temporairement New York pour rencontrer Roxy Sandoval, l’ex de Sepp Gregory, pour écrire son livre. Et tout le monde de se retrouver dans le manoir Playboy de Hugh Hefner le temps d’une soirée qui va virer au drame et lancer une drôle d’échappée entre Los Angeles et Denver.

Une fois encore, Mark Haskell Smith laisse place à son imagination débridée pour livrer un roman qui rappelle autant Tex Avery pour son rythme échevelé et ses situations rocambolesques que David Lodge pour son portrait acide d’un petit monde où les non-dits sont la règle et où l’on cherche autant à s’élever soi-même qu’à faire chuter les autres. Dans cette grande foire à l’ego dans laquelle bloggueurs bouffis de suffisance, auteurs boursouflés d’orgueil et agents cyniques cherchent la gloire et récompenses sonnantes et trébuchantes, ce sont peut-être les plus idiots, comme Sepp Gregory, imbécile heureux modèle, qui tirent leur épingle du jeu. Désinhibé et privé de recul sur ses actes, c’est finalement lui qui se révèle le plus naturel et le moins retors de cet étrange attelage.

Avec un humour décapant qui ne l’empêche pas d’avoir une profonde empathie pour chacun de ses personnages, Mark Haskell Smith offre un récit loufoque, une aventure effrénée qui ressemble pourtant bien parfois à une histoire d’amour, mais aussi une critique intelligente d’un monde de la culture qui oscille entre crétinerie des programmes télévisés et condescendance d’une pseudo-intelligentsia.

Bref, c’est d’une subtile stupidité et drôlement intelligent.

Et pour conclure, laissons la parole à des forces de l’ordre vite dépassées :

« S'il faisait trop chaud pour maintenir l'ordre, il faisait trop chaud pour enfreindre la loi. Mais les criminels ont tendance à ne respecter aucune logique. »

Mark Haskell Smith, Ceci n’est pas une histoire d’amour (Raw, 2014), Rivages, 2016. Traduit par Julien Guérif. 317 p.

Du même auteur sur ce blog : Défoncé ; Salty ;

 

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L
Ce livre est génial !!
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Y
Oui, Mark Haskell Smith n'en finit pas de me faire rire.