Dans les eaux du Grand Nord, de Ian McGuire

Publié le par Yan

En 1859, Patrick Sumner embarque sur le Volunteer, un baleinier du Yorkshire. Ancien chirurgien de l’armée britannique dont il a été exclu dans des circonstances déshonorantes après la révolte des Cipayes, Sumner cherche à se faire oublier et cette expédition dans les eaux de l’Arctique en est l’occasion. Le voyage, pourtant, va virer au cauchemar. Il y a d’une part Drax, harponneur violent vite soupçonné d’avoir violé et tué un jeune mousse, et d’autre part Brownlee, le capitaine, dont l’obsession à naviguer toujours plus au nord, au milieu des glaces, dissimule un dessein inavouable dont l’équipage dans son ensemble pourrait être victime.

Poursuivi par son histoire et son addiction au laudanum, Sumner ne trouvera pas sur le Volunteer la forme de paix et d’oubli qu’il semble il chercher. C’est donc une forme de rédemption qu’il tentera d’y trouver à travers sa lutte contre Drax. La mer ici n’est pas une espèce de liberté et c’est très clairement un huis-clos que met en scène Ian McGuire en installant dès le départ, dans les pas de Drax, une grande tension qui jamais ne se relâchera si ce n’est pour offrir parfois l’illusion d’une respiration qui ne fait en réalité que rendre plus prégnant le caractère oppressant du roman. Car chaque moment d’évasion n’est que prétexte à proposer en contrepoint violence et danger. C’est une sortie en chaloupe qui se solde par un bain de sang, une chasse aux phoques qui s’achève dans la gangue glaciale des eaux arctiques ou encore la poursuite d’un ours qui ressemble à une descente aux enfers.

De bout en bout, McGuire crée donc une atmosphère étouffante où il mêle habilement le thriller et, à travers le personnage de Patrick Sumner, une forme de quête de soi qui donne de l’épaisseur à son roman. Si l’on peut parfois être un peu perturbé par certaines ellipses, regretter quelques raccourcis, on peut aussi considérer qu’elle permette à l’auteur de ne pas faire traîner son récit en longueur. Au milieu des immenses pavés qui semblent de plus en plus devenir la norme, cela fait parfois du bien. Voilà en tout cas un livre que l’on prend un réel plaisir à lire et qui dépayse.

Ian McGuire, Dans les eaux du Grand Nord (The North Water, 2016), 10/18, 2017. Traduit par Laurent Bury. 311 p.

Du même auteur sur ce blog : Celui qui sait ;

Publié dans Noir britannique

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D
Bonjour Yan, un roman très noir. Pauvre maman ours et son ourson! Bonne journée.
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