Dernière saison dans les Rocheuses, de Shannon Burke
S’il y a un genre dans lequel on n’attendait pas Shannon Burke, auteur de deux saisissants et magnifiques romans situés dans le milieu des ambulanciers new-yorkais pendant l’explosion de la consommation de crack des années 1990, c’est bien le western. C’est pourtant bien là qu’on le retrouve, dans une nouvelle collection des éditions 10/18.
Nous sommes là en 1826 à Saint Louis, où le jeune William Wyeth, qui a quitté la ferme familiale de Pennsylvanie, a décidé de venir chercher fortune et, surtout, une vie d’aventures. C’est pourquoi, alors que, déjà, les colonies de castors commencent à être décimées et les troupeaux de bisons à se raréfier, il s’engage dans une compagnie de trappeurs en partance pour les montagnes Rocheuses.
Dernière saison dans les Rocheuses ne brille certes pas par son originalité. Le récit à la première personne des aventures de Wyeth emprunte tous les passages obligés de ce type de récit : histoire d’amour contrariée, trahisons, actes de bravoure, rencontres avec les indiens, combat contre un ours, blizzard et amitiés viriles sont au rendez-vous. Mais à la différence de, par exemple, Michael Punke et son assez fade Le Revenant, Shannon Burke a une plume, le sens du récit et, surtout, une véritable tendresse pour les personnages de salauds borderline en quête de rédemption – de ceux qu’il mettait justement en scène dans ses romans new-yorkais.
Sa grande idée est ainsi de doter Wyeth de quelques compagnons particulièrement intéressants. La troublante Alene, le surprenant Ferris et, surtout, donc, un beau salopard en la personne d’Henry Layton, jeune homme issu de la bonne société de Saint Louis, affligé d’un terrible complexe de supériorité, violent, capricieux, mais capable d’actes de courage surprenants. Ce personnage ambigu est très certainement celui qui permet à Dernière saison dans les Rocheuses de s’élever au-dessus de la production habituelle du genre. Sa singularité, sa folie, en opposition au tout aussi troublant calme de Ferris, permet de maintenir une tension de tous les instants et réserve un certain nombre de rebondissement au récit.
Tout cela fait que, sans avoir la force de ses romans noirs urbains, le western de Shannon Burke n’en demeure pas moins un excellent roman de genre. C’est avec un plaisir presque enfantin que l’on se laisse entraîner à la suite de cet attelage hétéroclite d’aventuriers qui repoussent la Frontière et construisent les États-Unis dans le sang et la poussière.
Shannon Burke, Dernière saison dans les Rocheuses (Into the Savage Country, 2015), Éditions 10/18, 2018. Traduit par Anne-Marie Carrière. 280 p.
Du même auteur sur ce blog : Manhattan Grand-Angle ; 911 ;