Une assemblée de chacals, de S. Craig Zahler

Publié le par Yan

 

Exécutions à Victory, précédent roman de S. Craig Zahler paru en France, faisait partie de la première livraison de la collection Neo Noire des éditions Gallmeister et se distinguait par un côté série B assumé et une redoutable accaparation par l’auteur des clichés attachés au polar urbain. La recette est la même avec Une assemblée de chacals, même si elle est cette fois adaptée au western.

Voilà donc les frères Danford, Oswell et Godfrey, paisibles fermiers de Virginie, et le New-yorkais Richard « Dicky » Sterling, joueur professionnel et séducteur impénitent. Les trois hommes sont conviés au mariage de James Lingham, rancher bigot du Montana. Mais l’invitation n’a pas vraiment l’air de les mettre en joie. C’est que Lingham est un fantôme d’une autre vie, lorsqu’ils formaient tous les quatre le Gang du grand boxeur qui écumait les banques et a laissé quelques cadavres derrière lui. Surtout, le gang s’est acoquiné un moment avec une bande de pillards dont la violence les a dépassés. Au point qu’ils ont fini par laisser ces complices de circonstance pour morts et par remiser définitivement leurs colts. Or, le télégramme de James Lingham a tout pour inquiéter les Danford et Sterling : « Toutes les vieilles connaissances seront là », dit-il.

Une assemblée de chacals s’ouvre par une scène saisissante : « deux étrangers basanés » entrent dans un saloon. Un couple de jeunes mariés a le malheur de les regarder avec un peu trop d’insistance. Une conversation très particulière s’engage. On est en quelques lignes dans un western spaghetti de la plus belle eau avec regards perçants, mouches qui volent et dialogues chargés de menaces. Zahler est parti pour plus de 350 pages de poncifs du genre poussés à l’extrême limite de la caricature : desperados sans pitié, tricheurs aux cartes, ancien hors-la-loi devenu un paisible fermier s’apprêtant à épouser la sublime fille du shérif, adjoint trop ambitieux, indiens cruels et vengeance retorse.

Tout cela pourrait verser dans le grand-guignol sans queue ni tête, le défouloir sans épaisseur. Et S. Craig Zahler, comme dans son précédent roman, se plaît de toute évidence à jouer à l’équilibriste sur la mince frontière qui sépare la bonne série B du nanard patenté. Et s’il ne tombe pas du mauvais côté, c’est qu’il maîtrise parfaitement le genre qu’il a décidé de subvertir et sait s’en amuser sans jamais se laisser aller à enfoncer le clou plus qu’il n’est nécessaire et en évitant le piège du récit à cent à l’heure qui s’essouffle au bout de la première ligne droite. Il prend ainsi le temps, après un départ percutant, d’installer ses personnages, puis de faire monter graduellement la tension jusqu’à une confrontation finale proprement apocalyptique.

Une assemblée de chacals apparaît donc comme le parfait western de série B, confortable car on y trouve tous les clichés que l’on peut y associer, et déstabilisant par son traitement cru de la violence et un suspense qui relève quasiment du récit d’épouvante. C’est comme Exécutions à Victory un exercice de style réussi parce que, justement, il ne se limite pas au simple exercice mais sait y adjoindre un véritable fond.

S. Craig Zahler, Une assemblée de chacals (A Congregation of Jackals, 2010), Gallmeister, 2017. Traduit par Janique Jouin-de Laurens. 366 p.

Du même auteur sur ce blog : Exécutions à Victory ; Les spectres de la terre brisée ; Dédale mortel ;

 

Publié dans Western et aventures

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