Les spectres de la terre brisée, de S. Craig Zahler
Après Une assemblée de chacals, S. Craig Zahler continue dans la voie du western sanguinolent avec ces Spectres de la terre brisée qui mettent en scène, au début du vingtième siècle, un groupe de cow-boys lançant une expédition punitive au Mexique afin de retrouver les sœurs et filles de certains d’entre eux enlevées quelques mois auparavant et prostituées de force dans un bordel sis au dans un repaire entouré de montagnes et de canyons labyrinthiques.
Équipage hétéroclite constitué d’un tueur impassible et sans merci, d’un indien aussi discret qu’adroit, d’un esclave affranchi maniant aussi bien la casserole que le scalpel ou le fusil, d’un jeune alcoolique, d’un rancher pas encore blanchi sous le harnais, d’un vieil homme assoiffé de vengeance et d’un gentleman désargenté, la bande va se trouver confrontée à des bandits aguerris et peu enclins à se laisser marcher sur les pieds.
Sans surprise, Zahler propose donc là une nouvelle tornade de violence s’appuyant sur une situation initiale extrêmement ténue. Car c’est finalement moins l’histoire qui compte que les scènes d’action ou de tension qui rythment le roman et permettent à l’auteur de mettre en place des chapitres extrêmement visuels, cinématographiques, qui n’épargnent rien au lecteur. Viols, démembrements, tortures, et autres poursuites ponctuées d’affrontements à coups de fusils, revolvers et grenades artisanales, s’enchaînent donc sans laisser le temps de souffler.
Comme dans ses romans précédents, Zahler joue ainsi de l’extravagance des situations et d’une extrême violence que viennent atténuer des pointes d’humour noir et de grotesque. Mais là où Une assemblée de chacals et surtout Exécutions à Victory, possédaient un fond, on a la sensation que celui-ci est ici sacrifier à la forme et à la relativement longue accumulation de scènes de violence ou de dialogues jouant avec les poncifs du genre western.
De fait, on a parfois l’impression que Zahler tourne en rond, se répète, prend un véritable plaisir à écrire ses scènes mais le fait aussi au détriment du fil de son intrigue. Et s’il s’amuse avec sa bande de justiciers, les méchants – pour le dire vite, car on s’aperçoit que personne n’est tout noir ou tout blanc dans cette histoire – face à eux sont à peine esquissés, particulièrement leur chef.
Bref, si Les spectres de la terre brisée se lit sans déplaisir, on ne peut se défaire en fin de compte d’un certain sentiment de vacuité et c’est dommage.
S. Craig Zahler, Les spectres de la terre brisée (Wraiths of the Broken Land, 2013), Gallmeister, 2018. Traduit par Janique Jouin-de Laurens. 395 p.
Du même auteur sur ce blog : Exécutions à Victory ; Une assemblée de chacals ; Dédale mortel ;