Le roi du macadam, de Charlie Williams

Publié le par Yan

« On ne quitte pas Mangel » aime à répéter Royston Blake depuis maintenant trois romans. Et de fait, relâché de manière anticipée de la section psychiatrique de la prison de Parpham, c’est là que revient Royston avec dans l’idée de retrouver sa copine et le rejeton né pendant sa détention et, bien entendu, sa place de videur au Hoppers. Sauf que pendant ses quatre ans d’absence, les choses ont changé à Mangel. D’abord Sal, sa compagne, s’est trouvé un autre mec. Ensuite, le putatif Royston Junior semble n’avoir jamais vraiment existé. Et surtout sa Ford Capri a disparu et un centre commercial s’élève à la place du Hoppers. Et c’est justement dans ce temple païen de la consommation que le psychiatre qui s’occupe du suivi de Royston lui a trouvé un boulot de gestionnaire des flux de clientèle. Un poste de vigile, quoi. La chute est rude est pour celui qui se considère comme un prince de l’aristocratie des portiers de boîtes de nuit.

Bref, tout a changé. Même Nathan le barman, Doug l’épicier et tous ceux qui méprisaient Royston sont prêts à lui faire crédit et le considèrent comme une sorte de Messie. Le seul à n’avoir pas changé, en fin de compte, c’est Royston, toujours aussi abruti et dominé par ses fonctions corporelles, obsédé par les gogues, du genre à se branler au milieu d’un rond-point juste parce que l’envie lui vient, et par ailleurs poursuivi par cette malédiction qui le mène à se trouver mêlé à des incidents dont il n’est pas responsable et qui même, parfois, arriveraient presque à lui gâcher sa journée ou sa nuit :

« Je suis pas fier de moi. Je voulais juste lui faire peur, à cet enfoiré, pour qu’il retourne d’où il venait. Mais qu’est-ce que je pouvais faire ? C’est lui qu’avait commencé. Et maintenant qu’il était calanché, j’allais pas le laisser traîner pour que les flics le retrouvent. Alors c’était cap sur Hurk Wood dans une douzaine de sacs-poubelle. Le plus tôt serait le mieux, pasque j’avais un tas de choses à faire le lendemain et je voulais me coucher tôt. »

Dans cet ultime volume des aventures de Royston Blake parues en France (a priori deux autres ont paru en Angleterre), le videur le plus expéditif de Mangel représente pour les petits commerçants – pas beaucoup plus malins que lui mais certains de pouvoir le manipuler malgré ses réactions imprévisibles – l’ultime espoir de faire en sorte que rien ne change dans leur ville pourrie. C’est bien entendu présumer à la fois de la bêtise de Blake (un véritable puits sans fond qu’ils ont de toute évidence mal appréhendé) et de sa capacité à comprendre ce que l’on attend de lui.

Autant dire que le récit à la première personne – félicitations au passage à Thierry Marignac, le traducteur, qui arrive à rendre plutôt bien le langage très particulier de Royston – est aussi embrouillé que Blake lui-même et que les seuls éclairages sur ce qui se passe vraiment viennent des comptes-rendus de séance de thérapie écrits par le psychiatre et des paroles des interlocuteurs de Blake – dont il faut néanmoins considérer que c’est lui qui les rapporte, avec ce que cela peut comporter d’approximations.

Cela donne un roman peut-être encore plus échevelé que les précédents, violent, hilarant et doté d’un vrai bon mauvais esprit ; c’est sale, totalement amoral, (pas si) bête, méchant… et donc toujours bienvenu.

Charlie Williams, Le roi du macadam (King of the Road, 2006), Gallimard, Série Noire, 2009. Traduit par Thierry Marignac. 323 p.

Du même auteur sur ce blog : Les allongés ; Des clopes et de la binouze ;

Publié dans Noir britannique

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