Des clopes et de la binouze, de Charlie Williams
« Ouais, c’était un boulot tranquille. Doug nous avait un peu bousculé, mais j’aurais dit oui de toute façon. Toutes ces tiges et ces binouzes ? Avec ce genre de pression, on fait plier n’importe qui.
Je vais vous dire, quand même. Il aurait mieux valu que je dise non. »
De fait, un contrat payé deux cartouches, soit quatre cents clopes et autant de bières périmées, pour Royston Blake, avec lequel nous avons eu la chance de faire connaissance dans Les allongés, ça ne se refuse pas.
Nous voilà donc de retour à Mangel, petite ville anglaise peuplée exclusivement de crétins congénitaux. Et aussi, donc, de Royston Blake, videur au Hoppers, qui surclasse tous ces concitoyens en terme de crétinisme. Toujours aussi bas de plafond et qui plus est encore plus porté sur la bouteille que dans l’épisode précédent, Blake est confronté au plus grand péril qui puisse toucher sa ville : un étranger venu de la Grande Ville a décidé de convertir la jeunesse de Mangel, pourtant promise à un bel avenir alcoolique, à la drogue. Et, histoire d’enfoncer le clou, il a séduit Mona, la fille de Doug, l’épicier connu pour transformer une partie de sa clientèle en saucisses. C’est donc tout naturellement que Royston Blake apparaît comme le dernier recours.
On ne va pas se mentir, les amateurs de whodunit bien calibré feront bien de passer leur chemin. Racontée à la première personne par un Royston Blake qui peine lui-même à comprendre ce qu’il fait et qui a une fâcheuse tendance à se réveiller n’importe où, généralement avec la tête dans une flaque de vomi, l’intrigue apparaît parfois un peu floue. Ce n’est donc pas pour elle qu’on lira Des clopes et de la binouze, mais bien pour le second degré d’un récit échevelé dans lequel le sens involontaire de la formule de Blake fait souvent mouche, pour le décalage entre la manière dont le narrateur se voit, digne descendant de Clint Eastwood, aussi malin que fort, et celle dont on devine à travers les dialogues dont ses concitoyens le considèrent : un gros demeuré dangereux pour lui-même mais surtout pour les autres. Ajoutons à cela les introductions de chapitres constituées d’extraits du journal local écrits dans un style qui n’est pas sans rappeler les meilleurs moments d’une rédaction d'un collégien qui redoublant sa quatrième pour la sixième fois, et on aura une idée de l’ensemble.
Bref, ça part un peu dans tous les sens et c’est aussi amusant que cruel. Car sous la satire, Williams étrille sévèrement l’Anglais moyen et travaille sérieusement son écriture – car il n’est pas aisé de se placer de manière aussi crédible dans la tête de ce genre d’abruti. À lire, donc.
Charlie Williams, Des clopes et de la binouze (Fags and Lager, 2005), Gallimard, Série Noire, 2008. Traduit par Thierry Marignac. 334 p.
Du même auteur sur ce blog : Les allongés ; Le roi du macadam ;