Dernier appel pour les vivants, de Peter Farris
« -Un sacré foutoir qu’on a là, Tom, commença-t-il. Ça faisait un bail qu’on n’avait pas eu une chose pareille.1991 ?
-1994. Bordel, je m’étais tellement habitué aux combats de chiens et aux labos de meth que j’avais oublié qu’il y a encore des gens qui braquent des banques, répondit Lang. »
On est mal habitué, en effet. Prenez Dernier appel pour les vivants : ça commence comme un de ces romans à base de ploucs – on se trouve a Jubilation County, Géorgie –, de violence et d’humour acide et on pense nécessairement un peu au Donnybrook de Frank Bill. On imagine déjà le bouquin échevelé qui va nous faire marrer, avec ce Hicklin, membre de la Fraternité aryenne qui braque une banque, tue une employée et s’échappe en prenant en otage un guichetier un peu niais et, à ses trousses le shérif Lang en mode « je suis trop vieux pour ces conneries ». Et puis, bien vite, on se retrouve face a un roman bien plus noir que ce que laissait présager ce début un peu débridé.
Alors que Hicklin se terre avec Charlie, l’employé de banque passionné de fusées, et Hummingbird sa compagne accro à la meth, que ses anciens complices commencent à le traquer et que Lang avance lentement dans son enquête, les caractères se révèlent, des barrières tombent et, peu à peu, des masques aussi (et même un œil de verre). Et puis il y a ces routes qui convergent vers un dénouement qui ne peut être que brutal.
Ainsi Peter Farris arrive-t-il à prendre un peu le lecteur à contrepied, à l’emmener ailleurs que là où il pensait aller sans pour autant abandonner totalement l’idée d’une série B qui flingue à tout va. Car si l’étude de caractères est réussie, les explosions de violences sont elles aussi particulièrement soignées. L’hallucinante fusillade dans une église en pleine cérémonie de manipulation de serpents est à ce titre un des sommets du livre ; un passage proprement saisissant.
Tout cela fait de Dernier appel pour les vivants une bonne surprise, un roman dans lequel l’auteur arrive à trouver l’équilibre entre l’âpreté des situations, la mise en valeur des liens qui se tissent entre les personnages et les rendent bien plus complexes que ce à quoi l’on pouvait s’attendre, et le déchaînement cathartique de violence. Très recommandable.
Peter Farris, Dernier appel pour les vivants (Last Call for the Living, 2012), Gallmeister, coll. NeoNoir, 2015. Traduit par Anatole Pons. 336 p.
Du même auteur sur ce blog : Le diable en personne ; Les mangeurs d'argile ;