Les mangeurs d’argile, de Peter Farris
Richie Pelham est le propriétaire de près de 800 hectares de pâturages et de bois de Trickum County, en Géorgie. Collines et vallons sont giboyeux et Richie Pelham aime à y chasser le cerf. Veuf et remarié à Grace, sœur du pasteur itinérant Carroll Crine, il a deux enfants : la petite Abbie-Lee née de son second lit et Jesse qui va bientôt avoir quatorze ans. C’est à l’occasion de cet anniversaire que Richie a décidé de bâtir un affut de chasse pour son fils. Mais la surprise tourne au drame lorsque, œuvrant aux derniers préparatifs de cette construction, Richie fait une chute mortelle. Celle-ci n’a rien d’un accident. Un homme le sait : Billy, vétéran de la guerre en Irak et en cavale après un attentat contre un bâtiment fédéral, qui se cache sur les terres de Pelham a vu un homme saboter l’échelle de l’affut. Orphelin, Jesse se trouve confronté à sa belle-mère et à son oncle, décidés à mettre la main sur la propriété et les réserves de kaolin de son sous-sol mais va trouver en Billy un allié.
Comme dans ses deux romans précédents, Peter Farris prend un plaisir évident à raconter une histoire dont les fils se croisent, s’entremêlent, et dans laquelle on se laisse volontiers entraîner à sa suite. Si l’on a déjà lu Farris et même, plus largement, si l’on s’est déjà confronté à une partie de la production de ce que l’on a appelé le « rural noir », on ne sera guère surpris : ni par les décors, ni par les personnages, ni par l’intrigue. Le lecteur en quête d’un récit loin des archétypes du genre ou qui les subvertit n’y trouvera sans doute pas son compte. Celui qui a envie de se plonger dans un roman de genre assumé et construit dans les règles de l’art ne sera pas déçu.
Tout y est en effet : un décor naturel dans lequel on s’immerge rapidement et auquel Peter Farris confère un soupçon de mystère qui le fait parfois flirter avec le surnaturel, des personnages de méchants tordus et manipulateurs au point d’en arriver à se trahir entre eux, un héros positif, Jesse, qui grandit dans la douleur, et un autre plus ambigu, Billy, en quête de rédemption. Autour de tout cela, des flics corrompus et d’autres bien décidés à faire leur travail.
Le tout donne un roman très efficace et une histoire menée tambour battant, ce qui permet aussi de passer vite sur de légères incohérences ou des personnages un brin caricaturaux, mais c’est aussi la loi du genre et Peter Farris semble l’assumer sans problème. Ponctué, comme les précédents romans de Farris par quelques scènes saisissantes, Les mangeurs d’argile se lit d’une traite avec le même plaisir que l’on a à regarder une série B de qualité. Une friandise.
Peter Farris, Les mangeurs d’argile (The Clay Eaters, 2019), Gallmeister, 2019. Traduit par Anatole Pons. 329 p.
Du même auteur sur ce blog : Dernier appel pour les vivants ; Le diable en personne ;