Sur les nerfs, de Larry Fondation
« Pour certains, Los Angeles, c’est des bougainvilliers et des plantes tropicales luxuriantes dans le désert, tout ça soigneusement entretenu par des jardiniers. Un coin romantique. Les films. Un endroit où l’on peut tenter sa chance. Le cœur du rêve américain.
Ce n’est pas là qu’on est ».
Là, on est dans l’est de Los Angeles, quelque part entre les années soixante et juste après la première guerre du Golfe, dans ces quartiers où se croisent white trash, noirs et latinos. Skinheads et gangs mexicains. Bibine et flingues. Baises plus ou moins consenties et couteaux à cran d’arrêt. Shoots dans des squats ou sur des parkings de centre commerciaux abandonnés et chasse aux rats dans les caves.
Et c’est ainsi que Larry Fondation nous livre ces chroniques. Flash, fulgurances. Comme les pièces éparpillées d’un puzzle que l’on ne reconstituera pas mais dont chacune nous laisse présager de ce qu’il pourrait représenter. Et ce n’est pas beau.
Entre ennui, violence, plans à deux balles pour essayer de s’en sortir et révolte, Fondation, à coup de petites vignettes glauques souvent, lumineuses parfois, essaie de nous offrir l’essence de ces quartiers dans lesquels l’American Dream est passé au volant d’un camion poubelle pour décharger tout ce(ux) dont il ne voulait pas.
Il est heureux que les éditions Fayard aient exhumé ce premier roman initialement publié aux États-Unis en 1994, et le fasse paraître quelques mois après le Bienvenue à Oakland d’Eric Miles Williamson. La filiation entre Fondation et Williamson est évidente et, d’ailleurs, l’éditeur en joue en proposant une couverture qui utilise les mêmes codes que celle de Bienvenue à Oakland et en faisant travailler le même traducteur, Alexandre Thiltges, sur ce roman (on imagine d'ailleurs bien que ce genre de texte ne doit pas être aisé à traduire et l’on ne peut que saluer ce travail).
Fondation, c’est un peu Williamson sans le gras. C’est dire si c’est sec comme un coup de trique dans votre face. Ceux qui ont déjà découvert le dernier cri de rage et d’amour d’Eric Miles Williamson retrouveront dans Sur les nerfs la puissance de la révolte de ces vignettes de la vie « ordinaire » d’un monde abandonné. Concentrée en un peu plus d’une centaine de pages, elle est d’une rare et belle violence.
Larry Fondation, Sur les nerfs (Angry Nights, 1994), Fayard, 2012. Traduit par Alexandre Thiltges.
Du même auteur sur ce blog : Criminels ordinaires ; Effets indésirables ; Les Martyrs et les saints ;