Les Martyrs et les saints, de Larry Fondation

Publié le par Yan

Chez Larry Fondation les choses commencent souvent dans un bar miteux. Elles y finissent aussi parfois. Ou alors dans une rue borgne, un appartement crasseux, un carré d’asphalte. Et même quand elles finissent bien, elles laissent un goût amer.  Peut-être plus encore dans Les Martyrs et les saints que dans les précédents recueils de Fondation. L’humour, l’ironie, sont encore là, certes, mais ils se font plus âpres dans ces nouvelles, ces fragments de vie d’une partie du lumpenprolétariat de Los Angeles.

Il y a surtout dans ce volume une présence imposante des corps et de leurs humeurs. Sang, urine, sperme et crasse se mêlent aux sentiments des divers protagonistes à la recherche d’un bonheur ne serait-ce que furtif, d’une once d’amour, ou seulement d’une présence qui viendrait leur faire oublier l’espace d’un instant leur solitude. Et derrière tout cela une sorte d’incapacité à être heureux. « Je suis tellement heureux en ce moment que c’en devient insupportable. Ça ne peut pas durer. Ca ne dure pas. » confie cet adepte des filles aux pieds sales qui rencontre une fille qui se douche tous les jours.

Nouveaux dans l’œuvre de Larry Fondation apparaissent aussi les vétérans de la guerre en Irak, traumatisés, perturbés et, surtout, loin d’être les bienvenus. Ils viennent peupler l’inframonde que Fondation décrit inlassablement d’une nouvelle à l’autre. Toujours pareils et pourtant toujours renouvelés ces fragments brûlants de vies constituent un tout d’une impressionnante cohérence et d’une redoutable violence.

Ce que fait Larry Fondation, en fin de compte, c’est obliger le lecteur à regarder dans les yeux ceux qu’il ne regarde plus au quotidien. Il les rend visibles et leur rend leur humanité sans pour autant en faire ce qu’ils ne sont pas. Saints, martyrs, ils le sont tous à un certain degré. Et aussi parfois des salauds bien ordinaires.

Violents certes, et souvent inconfortables, les écrits de Larry Fondation sont pour cela mais aussi pour la troublante beauté de sa plume, sa capacité à trouver partout la poésie, indispensables.

Larry Fondation, Les Martyrs et les saints (Martyrs and Holymen, 2013), Tusitala, 2018. Traduit par Romain Guillou. 165 p.

Du même auteur sur ce blog : Sur les nerfs ; Criminels ordinaires ; Effets indésirables ;

Publié dans Noir américain

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