Si vous êtes passés à côté : Romanzo criminale, de Giancarlo de Cataldo
Rome, fin des années 70. C’est à cette époque qu’une bande de jeunes truands ambitieux menés par le Libanais et le Froid se lance à la conquête de la Ville éternelle. C’est l’enlèvement d’un riche homme d’affaire qui va les mettre en fonds et leur permettre de se lancer dans le trafic de drogue à grande échelle. La mort d’Aldo Moro est une aubaine pour la bande qui passe sous les radars de la police accaparée par la traque des Brigades Rouges. Seuls le commissaire Scialoja et le procureur Borgia, bien impuissants, cherchent à les faire tomber.
Tant et si bien que le Libanais, le Froid et leurs comparses ne tardent pas à régner sur Rome avec l’appui même des autorités politiques et des services secrets qui entendent bien les utiliser dans leur lutte contre l’extrême-gauche.
Cette ascension fulgurante n’est pourtant qu’un début et la chute, inéluctable, sera longue et douloureuse.
Avec Romanzo criminale, Giancarlo de Cataldo réalise un tour de force : il nous permet de suivre à la fois la destinée d’un groupe de personnages tous – y compris les seconds couteaux – extrêmement bien campés, et un quart de siècle d’histoire italienne, sans jamais tomber dans le piège du cours magistral accompagné d’une intrigue-prétexte ou dans celui inverse d’une intrigue avec une toile de fond pseudo-historique censée lui donner du relief.
Giancarlo de Cataldo trouve le juste équilibre et, avec dextérité, nous livre une fresque grandiose servie par une écriture dynamique et des chapitres courts d’une efficacité confondante. La prolifération des personnages n’est pas un problème et le lecteur ne s’égare jamais. Tout simplement parce que chacun est doté d’une véritable personnalité, complexe, qui nous permet de vraiment nous y intéresser. Pas de héros, ni de grand méchant loup. Chacun a ses forces, et ses faiblesses, ses défauts : fidélité, lâcheté, corruption, jalousie, courage, engagement aveugle ou opportunisme sont au rendez-vous. Ce sont ces personnages qui donnent sa chair à ce roman fleuve de près de 600 pages que l’on ne voit pas passer.
On en ressort essoré et impressionné et l’on voudrait que cela continue. Romanzo criminale est un des grands romans des années 2000.
Un très beau film, forcément réducteur au vue de la complexité du roman, en a été tiré en 2005 par Michele Placido. Une histoire plus fidèle aux détails du roman et qui fait place à l’ensemble des protagonistes a été filmée par le biais d’une série dont la première saison existe en DVD en France ; la deuxième, diffusée en Italie en 2010, devrait sans doute arriver sur Canal Plus qui a diffusé la première en 2009.
Giancarlo de Cataldo, Romanzo Criminale, Métailié, 2006. Rééd. Points Policier, 2007. Traduit par Serge Quadruppani et Catherine Siné.
Du même auteur sur ce blog : La saison des massacres ; Je suis le Libanais ; Suburra ;