Rennes-le-Château. Tome Sang, d’Éric Maneval
C’est, à quelque chose près, le 42000ème livre prenant pour cadre Rennes-le-Château qui paraît en ce moment, à seulement quelques mois de l’apocalypse, sous la plume d’Éric Maneval. Pourtant, point de grandes théories sur le trésor de l’Abbé Saunière, les bases extraterrestres dissimulées au cœur du Pech de Bugarach ou de sectes aux ordres du Vatican.
Au travers de cette histoire racontée par un de ses principaux protagonistes, le bouquiniste Jipé installé à Quillan, Maneval propose sous le couvert d’une intrigue flirtant avec l’ésotérisme une vision non pas cynique, ni même ironique, mais plutôt souriante et bonhomme de ce mythe contemporain remis à la mode par Dan Brown et, qui l’eût cru ?, par la civilisation maya qui, décidément, n’en manque pas une malgré son effondrement aux alentours du Xème siècle.
Dans l’œil du cyclone, le bouquiniste débonnaire observe donc virevolter autour de lui toute une galerie de personnages aux motivations diverses et parfois mystérieuses. Le jeune couple arrivé de Bretagne, Aurore et Luc, chacun à sa manière heurté par la vie et à la recherche d’une certaine spiritualité et aspiré par l’obsédante histoire de Béranger Saunière. Le Dahu, ancien baba cool à la recherche de l’isolement et de la paix mais rongé par la culpabilité. Stéphane, l’associé un peu trop porté sur les explosifs. La mystérieuse Solange qui se dit voyante. Un pseudo-comte lui aussi à la recherche de la connaissance ultime des mystères de Rennes-le-Château. Bien entendu, Jipé ne pourra rester en dehors et aura tôt fait de mettre lui aussi le doigt dans l’engrenage.
Éric Maneval donc, joue avec le lecteur et avec Rennes-le-Château et semble y prendre un plaisir qui est incontestablement communicatif. Ainsi, souvent, et malgré de très courts mais efficaces et utiles intermèdes consacrés à la manière dont est née la légende du trésor de l’abbé Saunière et tout son cortège de théories fantaisistes, ésotériques, pseudo-historiques et complotistes, le lecteur se demandera si l’auteur lui sert du lard ou du cochon. Si, sous le couvert d’un regard d’entomologiste sur les petites bêtes qui s’agitent autour de Bugarach et de Rennes-le-Château, il n’a pas aussi été un peu touché par le virus de l’énigme à élucider. Un sentiment que le dénouement du roman, légèrement ambigu (et un peu rapide à notre goût), ne peut que conforter.
Bref, Éric Maneval se joue de la légende, fait œuvre de démystification, tout en se jouant aussi du scepticisme cynique en s’appliquant à toujours laisser planer un peu de mystère. Si les personnages, au premier abord, semblent avoir été taillés à la hache, ils se font toujours un peu plus complexes au fur et à mesure que le roman avance et, alors que l’on pensait que l’on ne s’y laisserait pas facilement prendre, on se prend à toujours repousser le moment de fermer le livre pour savoir ce qui pourrait bien se passer ensuite et quelles nouvelles facettes des protagonistes ou de leur histoire vont être révélées.
C’est donc là un roman efficace, bien construit et amusant sans pour autant être bêtifiant même si le sujet se prête dangereusement à ce genre de dérive, car Éric Maneval, outre un talent certain pour conter une histoire, propose aussi une intéressante réflexion sur l’obsession et le besoin d’irrationnel qui peut nous animer.
Éric Maneval, Rennes-le-Château. Tome Sang, Éditions Terres de Brumes, coll. Polars & Grimoires, 2012.
Copinage et autopromotion :
Sur des thématiques proches, on peut aussi lire avec profit le livre de deux confrères en désinformation auteurs du sérieux et pour une fois très informé (même s’ils ne se privent pas parfois de jeux de mots navrants) 2012, scénarios pour une fin du monde. Un ouvrage où vous apprendrez que l’apocalypse maya n’est qu’une solution parmi d’autres pour nous débarrasser enfin et définitivement de la crise, mais que, malheureusement on pourrait attendre bien longtemps avant que cela ait lieu.
Didier Jamet, Fabrice Mottez, 2012, scénarios pour une fin du monde, Belin, coll. Pour la science, 2009.
On pourra lire aussi, et sans aucun profit cette fois, un de nos articles sur l’obtention par la commune de Bugarach, en 2011, du label « Fin du monde 2012 » : http://www.desinformations.com/a-2003_bugarach--aude--premiere-commune-labellisee-fin-du-monde-2012.html