Le salaire de la haine, de Luca Poldelmengo

Publié le par Yan

lesalairedelahaineAncien membre des Brigades rouges, Flavio retrouve la liberté après vingt-cinq années de prison. Il n’a qu’un seul but : revoir l’enfant qu’il n’a pas vu grandir et qui a été confié à une riche famille catholique. Toutefois, bien vite, il va s’apercevoir que ce fils qu’il a tant attendu de retrouver est loin d’être celui qu’il aurait voulu. Raciste, égoïste, homophobe, Cristiano est loin de ressembler au jeune homme idéaliste que fut Flavio. Et quand, par l’intermédiaire d’une pierre jetée d’un pont, Cristiano commet un acte gratuit et insensé, il met en branle un terrible engrenage fait de haine, de vengeance aveugle et de frustrations violemment relâchées, amenant à se croiser son destin et ceux de ses amis avec ceux de Flavio, d’Andrea l’ancien cycliste, de Tegla, la prostituée nigériane ou d’Igor le Roumain.

Avec ce premier roman sans fioritures contant des faits d’une triste banalité auxquels, grâce à un regard profondément empathique il donne une réelle épaisseur tragique, Luca Poldelmengo signe une entrée remarquable dans le monde du roman noir.

À travers ces destins croisés, bien différents certes, mais tous marqués par la même impossibilité d’accéder à ses rêves, par les sales coups du destin ou par de mauvais choix, Poldelmengo dresse un portrait âpre d’une société italienne qui voudrait mais ne peut faire une croix sur son passé et est encore profondément divisée. À ceci près que si cette fracture revêtait dans les années 70-80 les oripeaux de la lutte politique et pouvait éventuellement laisser quelque espérance de voir les choses changer, elle apparaît aujourd’hui complètement consommée et sans espoir pour ceux qui se retrouvent, comme Andrea ou Tegla la nigériane qui ne connaît de l’Italie que les quelques mètres carrés où elle se prostitue, du mauvais côté de la barrière.

Dans ce monde où l’idéalisme et la foi en l’Homme semblent de moins en moins à leur place, Tegla et Flavio font briller une bien mince lueur d’espoir, et il n’est pas sûr que le drame initié par Cristiano serve de leçon à qui que ce soit.

Habilement construit, très cinématographique (Poldelmengo est scénariste) sans pour autant être superficiel, Le salaire de la haine est une belle découverte.

Luca Poldelmengo, Le salaire de la haine (Odia il prossimo tuo, 2009), Rivages/Noir, 2013. Traduit par Patrice Vighetti.

Du même auteur sur ce blog : L'homme noir ;

Publié dans Noir italien

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C
Yes, je serai plus nuancé, c'est sympa de faire des livres rognés jusqu'à l'os, mais ça manque d'épaisseur parfois... Et ces tristes - à tort - interprétations des choses vues par les protagonistes<br /> servent un peu trop le scénario, je trouve...
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Y
<br /> <br /> Je ne suis pas d'accord avec toi. Je trouve que les personnages, pour être rapidement croqués, ne manquent pas pour autant d'épaisseur. Et puis, aussi, il y a peut-être le fait que j'en ai un peu<br /> marre, ces derniers temps, des romans interminables de 500 ou 600 p qui nous servent par le menu les états d'âmes des héros en tournant en rond (la lecture du dernier Nesbø n'est peut-être pas<br /> étrangère à ce ressenti(ment)).<br /> <br /> <br /> <br />