Le gardien invisible, de Dolores Redondo
À Elizondo, petite bourgade navarraise, des jeunes filles sont retrouvées mortes au bord de la rivière Baztán. Alors que la rumeur populaire commence à mettre ces meurtres sur le compte du basajaun, être mythologique gardien de la forêt, l’inspectrice Amaia Salazar est envoyée de Pampelune pour mener l’enquête. De retour dans la petite ville de son enfance, Amaia se trouve confrontée à ces croyances qu’elle rejette mais aussi à son histoire familiale, qu’elle a fuit.
Avec ce roman intrigant à l’atmosphère pesante, Dolores Redondo signe une entrée intéressante dans le monde du polar et du thriller. N’hésitant pas à mêler avec finesse les éléments surnaturels issus de la mythologie basque à son intrigue policière, elle offre au lecteur un livre singulier et, incontestablement, captivant.
Personnage attachant et complexe, en butte au mépris d’une partie des hommes qu’elle dirige, à la méfiance de ses supérieurs et à l’hostilité d’une partie de sa famille, sans pour autant être exempte de défauts, Amaia Salazar donne de la chair à ce roman qui aurait pu être un thriller comme les autres – on remarque d’ailleurs assez tôt vers quelle direction mènent les pistes – mais se révèle vite être autre chose. Entre roman noir familial, roman de procédure, thriller, Le gardien invisible tire sa singularité de ce mélange des genres mais aussi et surtout de l’écriture de Dolores Redondo qui parvient à instiller sans lourdeur l’épouvante et le fantastique dans son intrigue. Sur ce plan, les scènes mettant Amaia aux prises avec sa mère sont d’une redoutable efficacité.
Parvenant à conserver cet équilibre précaire entre le roman noir et le thriller fantastique et à éviter les chausse-trappes inhérentes à ce genre d’exercice (lourdeur de la démonstration, fascination morbide envers le tueur et les images sanglantes jusqu’à l’écœurement…), l’auteur, si elle se laisse parfois aller à quelques longueurs, n’en réussit pas moins à nous offrir un roman fascinant et véritablement original. Une bien bonne surprise dans le genre.
Dolores Redondo, Le gardien invisible (El guardián invisible, 2012), Stock, Cosmopolite noire, 2013. Traduit par Marianne Million.
Du même auteur sur ce blog : De chair et d'os ;