La lecture du feu, de Louis Sanders

Publié le par Yan

lalecturedufeuÀ Saint-Romain, dans le Périgord, la caserne des pompiers est gérée par une vingtaine de volontaires. Si l’esprit de corps existe bel et bien entre ces hommes, il n’en demeure pas moins qu’ils sont tous différents. De Blondel, la quarantaine, qui fait timidement ses premiers pas chez les pompiers à Peyronie le beau gosse qui en veut, on ne sait pourquoi, à Milou l’idiot du village, en passant par Bogdanovic obnubilé par Dolly Parton ou Kaplan à la recherche de l’âme sœur, chacun vit différemment sa double vie. Et pour certains, la frontière entre leur vie civile et leur vie de pompiers devient dangereusement étroite. C’est le cas de Lescure qui se demande pourquoi son chef ne lui a pas permis de pénétrer dans une maison lors d’une intervention et en conçoit de désagréables soupçons, ou encore de Jaubert qui se pique d’aider un vieux veuf au passé trouble.

Difficile d’écrire un roman noir sur des pompiers volontaires dans un département rural. Et, de fait, Louis Sanders ne tire pas vraiment le fil d’une intrigue même si un final riche en rebondissements et en éclaircissements vient conclure efficacement le récit. Mais si l’intrigue est si fine, c’est que là n’est pas le propos de l’auteur.

Ce que nous montre Sanders, c’est la misère du quotidien dans une campagne française que l’on connaît finalement peu dans la littérature contemporaine, si ce n’est au travers du regard de l’urbain exilé ou des nantis. La Dordogne de Louis Sanders, c’est la vraie vie rurale avec ses secrets bien mal cachés, ses vieux impotents ou alcooliques qui vivent seuls au milieu de leurs excréments, ses jeunes qui se cassent la gueule en bagnole ou en scooter le samedi soir, le célibat, le chômage qui détruit un couple… Et au milieu de tout cela, les pompiers qui assurent un faible lien social et forment un semblant de groupe solidaire. Ou plutôt une société à part. Car la sociabilité n’est pas toujours la solidarité et ne pousse pas forcément à un échange autre que de façade. Et chacun de ses hommes confrontés régulièrement à des morts particulièrement sales et violentes de porter en lui l’indicible… car qui a envie d’entendre ce qu’ils voient ?

Acide, La lecture du feu porte un regard à la fois tendre et sans concession sur cette brigade hétéroclite de volontaires. C’est noir mais cela laisse aussi place à l’humour et à l’espoir.  C’est un roman pour le coup réellement atypique porté par une écriture simple et efficace. Un bon livre.

Louis Sanders, La lecture du feu, Rivages/Noir, 2010.

du même auteur sur ce blog : Auprès de l'assassin ;

 

Publié dans Noir français

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