L'espagnol déjanté : Aller simple de Carlos Salem
Octavio Rincón, employé de l’état civil en Catalogne a épousé une harpie. En vacances à Marrakech, alors qu’il a passé une vingtaine d’années à élaborer une multitude de plans pour se débarrasser de cette mégère – envisageant même de lâcher des piranhas dans sa baignoire – Octavio à le bonheur d’assister à la mort naturelle de son épouse. Partagé entre le bonheur suscité par cette liberté nouvelle et la crainte d’être accusé de meurtre, il fuit sa chambre d’hôtel. C’est dans un bar qu’il rencontre Raúl Soldati, argentin qui se présente comme un homme d’affaires ou un révolutionnaire (il a traqué des mois durant les touareg dans le désert pour leur vendre des glaces). C’est là le début d’une foule de péripéties durant lesquelles Octavio va avoir l’occasion de découvrir qu’il peut être un aventurier, que son sexe grandit, que non seulement le chanteur de tango Carlos Gardel n’est pas mort en 1935 mais qu’il veut en plus assassiner Julio Iglesias pour se venger d’une reprise désastreuse, et que Frédéric est un très joli nom pour une voiture.
Les aventures d’Octavio et de ses compagnons sont particulièrement jubilatoires, mêlant l’humour le plus déjanté et graveleux à la poésie (le tournage de film dans le désert ou la découverte du lauréat du prix Nobel de littérature assiégé par ses fans dans un village paumé) et portées par un rythme trépidant. Aller simple est un roman truffé d'éclats de rire dont il serait bien dommage de passer à côté par les temps qui courent. Depuis, Carlos Salem a aussi écrit Nager sans se mouiller, chez Actes Sud. Je n'ai pas encore eu le temps de le lire, mais ça ne va pas durer.
En bonus, un petit extrait. Le début des aventures d’Octavio Rincón :
« Dorita mourut pendant la sieste, pour achever de me gâcher mes vacances. J’en étais sûr. J’avais passé vingt de nos vingt-deux années de mariage à lui inventer des morts fantasmatiques. Et quand enfin cela arriva, ce ne fut aucune de celles que j’avais imaginées. Mettant de côté les attentats les plus divers, les poisons et les piranhas dans la baignoire, qui étaient surtout des exercices innocents de réconfort, j’avais toujours su qu’elle mourrait avant moi et dans un lit. Mais je ne pensais pas que ce serait comme cela, dans une ville inconnue, dans un hôtel qui mentaient au moins sur une étoile, et de façon si soudaine ».
Carlos Salem, Aller simple, Moisson Rouge, 2009. Rééd. Babel Noir, 2010. Traduit par Danielle Schramm.
Du même auteur sur ce blog : Nager sans se mouiller ; Je reste roi d'Espagne ; Un jambon calibre 45 ; Japonais grillés ;