En Thaïlande avec Jo Nesbø : Les cafards
L’ambassadeur de Norvège en Thaïlande est retrouvé assassiné, un poignard dans le dos, dans un motel de passes de Bangkok. Bien entendu, les affaires étrangères voudraient maintenir le secret sur ce triste événement. Pour cela il leur faut envoyer sur place un policier norvégien qui puisse superviser l’enquête et la résoudre aussi vite que possible, avant que la presse puisse avoir vent des circonstances du drame.
Le chef de la police insiste pour que cette mission soit confiée à Harry Hole, qui s’est distingué quelques mois auparavant lors de l’enquête sur la mort d’une ressortissante norvégienne en Australie. Ni Hole, ni son capitaine ne comprennent cet empressement à l’expédier en Thaïlande alors que ses problèmes d’alcool sont connus de tous.
Quoi qu’il en soit Hole se rend à Bangkok. Il y découvre dans la voiture de l’ambassadeur des photos pédophiles dans un attaché-case et tente, avec l’aide de ses collègues thaïlandais, de faire la lumière sur une affaire où semblent se mêler tout un tas de cafards : pédophiles, traders, mystérieux entrepreneurs ou espions de seconde zone. Le problème, avec les cafards, c’est que pour un que l’on voit, il y en a dix cachés aux alentours.
Pour son deuxième roman, après L’homme chauve-souris qui se déroulait en Australie, Jo Nesbø nous emmène une deuxième fois bien loin de la Norvège. Là encore, derrière l’intrigue policière tortueuse – au risque d’ailleurs d’égarer parfois un peu le lecteur – Nesbø nous fait découvrir un pays lointain dont il a vraisemblablement eu le temps de s’imprégner. Ce faisant, il réussit à éviter deux écueils, puisqu’il ne tombe jamais dans la rédaction de guide touristique ni, a contrario, dans une description totalement sombre. À travers les yeux de Harry Hole et, selon le procédé déjà utilisé dans son roman précédent du décalage entre le héros et les policiers locaux, on découvre un pays complexe qui, pour être fier de n’avoir jamais été colonisé par une puissance européenne, est néanmoins devenu en partie le glauque lupanar où se retrouvent les déviants occidentaux, sans que l’État soit suffisamment fort pour endiguer ce fléau.
Jo Nesbø aime le pays qu’il décrit et aime son héros que l’on découvre en même temps, avec plus d’épaisseur que dans son aventure précédente. S’il était déjà complexe auparavant, Hole gagne encore en humanité et, s’il demeure hanté par ses démons, Nesbø use avec parcimonie de ce trait de son personnage pour ne pas alourdir son propos. Il conserve efficacement un équilibre entre les descriptions explicites des pensées de Hole et les non-dits.
En fin de compte, on se retrouve une nouvelle fois avec une intrigue dépaysante et menée à un rythme assez rapide pour ne pas ennuyer le lecteur sans toutefois se priver de pages de description ou d’explications sur les us et coutumes locaux qui enrichissent cependant toujours le roman et l’action. Après des débuts prometteurs, Nesbø confirme son talent et même continue de progresser. Pour moi qui ne connaissais pas cet auteur il y a seulement quelques semaines, il reste à voir s’il saura garder cette fraicheur et cette originalité en s’attaquant à des intrigues qui se passent en Norvège même.
Jo Nesbø, Les cafards, Gaïa, 2003. Rééd. Gallimard, Folio Policier, 2006. Traduit par Alex Fouillet.
Du même auteur sur ce blog : L'homme chauve-souris ; Le léopard ; Fantôme ;