Le léopard, de Jo Nesbø
On n’avait rien lu de Nesbø depuis un petit bout de temps et on rattrape le train en marche en ayant sauté quelques wagons en abordant directement son dernier roman traduit en France.
On retrouve donc Harry Hole, le flic norvégien, en train d’expier ses fautes à Hong-Kong où il essaye de survivre criblé de dettes et avec une Triade qui entend bien recouvrir les dettes en question. C’est là qu’une collègue débarquée d’Oslo vient le chercher pour qu’il réintègre la brigade criminelle qui est aux trousses de ce qui semble être un tueur en série.
Voilà donc un départ fort classique pour un thriller. Et d’ailleurs, on peut dire que Le léopard, sur le plan de l’intrigue, ne renouvelle pas vraiment le genre. Un flic torturé poursuit un tueur retors qui semble avoir plusieurs coups d’avance. Mais Nesbø maîtrise les codes, rendant ce pavé d’apparence indigeste (850 pages en version poche, pas moins) parfaitement addictif : non seulement il joue fort bien des fins de chapitres qui incitent le lecteur à tourner les pages, mais il sait en plus donner à ses personnages une épaisseur suffisante pour que l’on se soucie vraiment d’eux. Il ajoute à cela des intrigues secondaires (l’opposition entre Harry et Bellman, la possible romance entre Harry et Kaja, la mort imminente du père d’Harry) qui participent à donner cette chair aux personnages tout en éclairant d’une manière détournée l’intrigue principale. Tout cela s’emboite tellement bien qu’au final la taille du livre ne parait pas le moins du monde superflue, du moins jusque dans un dernier tiers qui tend à emprunter des chemins qui rallongent quelque peu l’ensemble.
Et puis, bien sûr, il y a Harry Hole. Personnage complexe, autodestructeur et pourtant habité d’une évidente envie de vivre (pour mieux souffrir ?) qui donne aussi cette ampleur au roman. Alors qu’il perd tout (ceux qu’il aime, ses doigts, sa mâchoire, son amour propre…) Hole continue à s’accrocher avec aussi un assez jouissif désir d’emmerder le monde.
Alors oui, tout là-dedans est cliché : le tueur, le héros, le flic ennemi du héros, la femme flic amoureuse, et même les allers-retours de l’enquêteur obligé de suivre des pistes dans des lieux hostiles. Mais tout cela est si bien fait que le lecteur se prend au jeu des fausses pistes, des indices laissés au passage et se laisse volontiers entrainer dans ce roman qui certes ne révolutionne pas le thriller, mais qui est tellement maîtrisé que l’on s'y laisse embarquer avec plaisir.
Jo Nesbø, Le léopard (Panserhjerte, 2009), Gallimard, Série Noire, 2011. Rééd. Folio Policier, 2012. Traduit par Alex Fouillet.
Du même auteur sur ce blog : L’homme chauve-souris ; Les cafards ; Fantôme ;