Rose Royal, de Nicolas Mathieu

Publié le par Yan

C’est dans la collection de novellas dirigée par Marc Villard aux éditions In8 qu’après le succès de Leurs enfants après eux, Nicolas Mathieu fait un retour discret.

Rose approche des cinquante ans. Divorcée, elle vit seule et, lorsqu’elle débauche de son travail d’employée de bureau, elle retrouve régulièrement sa copine Marie-Jeanne pour descendre quelques verres au Royal. Dans sa vie, Rose a eu l’occasion de croiser quelques salopards qui, tous à leur manière, ont voulu la dominer et elle s’est jurée que c’était terminé. Que personne ne la mettrait plus au pas. Lorsqu’elle rencontre Luc, elle se dit que cette fois, peut-être, ce sera différent.

Dans ce court texte Nicolas Mathieu retrouve ses thèmes habituels, les vies simples, les destinées peu spectaculaires, celles des gens comme les autres qui pourtant, elles aussi, contiennent leurs parts de bonheurs et de malheurs. Rose peu bien se passionner pour Faites entrer l’accuser, pour les faits divers retentissants et les pages de Paris Match consacrées à Brigitte Macron, sa vie aussi, à son échelle, compte. La scène d’ouverture de cette longue nouvelle, cette soirée du Percent qu’elle fait durer, le montre : elle peut à sa manière toucher la vie des gens et, par la même occasion, faire prendre une nouvelle direction à la sienne.

Par petites touches, Nicolas Mathieu peint ce beau portrait de femme. Et par petites touches encore, en décrivant la rencontre avec Luc, il dit la solitude qui enferme, et les histoires d’amour qui peuvent aussi insensiblement devenir des prisons. Ce faisant, il installe une tension qui ne cessera de monter, y compris lors de fugaces moments où Rose peut effleurer une certaine idée, si ce n’est du bonheur, à tout le moins de l’espoir d’une vie tranquille dans laquelle elle pourrait partager des instants de joie. Car si l’envie d’essayer de trouver sa part de bonheur est bien là, Rose sait aussi que les espoirs, dans son monde, son souvent déçus.

On retrouve donc ici, condensé en 70 pages, ce que l’on aime dans l’écriture de Nicolas Mathieu. L’art de dire le quotidien dans sa crudité, de regarder le monde en face en y trouvant toutefois quelques instants de grâces et une réelle beauté. La vie de Rose est là, décrite sans fard mais avec empathie. L’histoire est noire, nécessairement, mais on en retiendra aussi ce qu’elle a de beau : Rose.

Nicolas Mathieu, Rose Royal, Éditions In8, coll. Polaroid, 2019. 77 p.

Du même auteur sur ce blog : Aux animaux la guerre ; Leurs enfants après eux ; Connemara ;

Publié dans Noir français

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