Nuits Appalaches, de Chris Offutt

Publié le par Yan

Auteur parmi les plus prometteurs dans les années 1990 durant lesquelles il a en particulier écrit deux formidables recueils de nouvelles (Kentucky Straight et Sortis du bois) et un roman, Le bon frère, Chris Offutt a plus ou moins disparu des radars à l’aube des années 2000, sans pour autant cesser complètement d’écrire puisqu’il s’est consacré en particulier à des articles pour divers journaux et revues et s’est essayé à l’écriture télévisuelle. Nuits Appalaches que publient les éditions Gallmeister marque donc le retour d’Offutt à la fiction.

En 1954, Tucker, tout juste démobilisé après avoir combattu en Corée, rentre dans le Kentucky. C’est sur le chemin de ses collines des Appalaches qu’il croise la route de Rhonda, quinze ans, qui vient d’enterrer son père, et la tire des griffes d’un oncle trop affectueux. Dix ans plus tard, Tucker et Rondha ont fondé une famille, mais si Jo, la fille aînée, se porte bien, leurs autres enfants souffrent de diverses malformations. La vie chiche de ce foyer aimant mais pauvre en des lieux reculés et loin du confort modernes déplaît aux services sociaux. Déterminé à protéger coûte que coûte sa famille, Tucker va devoir prendre des décisions lourdes de conséquences.

C’est un très beau roman que propose Chris Offutt avec ces Nuits Appalaches, qui sait jouer d’un subtil équilibre entre la rugosité de ses personnages principaux et la tendresse qui les unit, entre la violence des situations et la manière dont la nature sauvage apparaît comme un refuge. Il y a aussi, comme on pouvait par ailleurs le trouver déjà dans les nouvelles de l’auteur la description de relations sociales chargées d’ambigüité. Où la communauté joue à la fois un rôle protecteur vis-à-vis de l’extérieur et notamment de toute autorité officielle, mais est intrinsèquement intrusive et fondée sur un rapport de force permanent.

La finesse d’Offutt, son lyrisme maîtrisé qui l’empêche de verser dans la grandiloquence, la manière pudique dont il décrit les sentiments de ses personnages taiseux… tout cela fait de Nuits Appalaches un livre d’une grande finesse et d’une grande beauté, tout en violence et tendresse retenues. Un bien beau retour.  

Chris Offutt, Nuits Appalaches (Country Dark, 2018), Gallmeister, 2019, 227 p. Traduit par Anatole Pons.

Du même auteur sur ce blog : Kentucky Straight ; Sortis du bois ;

Publié dans Noir américain

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