Sortis du bois, de Chris Offutt

Publié le par Yan

Comme dans Kentucky Straight, paru sept ans plus tôt, Sortis du bois proposait en 1999 (2002 en France) à nouveau une série de tranches de vies d’habitants des collines et montagnes du Kentucky avec cependant un nouveau point de vue que met bien en avant la citation de Flannery O’Connor qui ouvre ce recueil de huit nouvelles : « L’endroit d’où vous venez n’existe plus, celui où vous pensiez aller un jour n’a jamais existé, celui où vous êtes ne vaut quelque chose que si vous pouvez en partir. »

C’est bien de cela dont il s’agit ici, histoires de départs décevants, de retours manqués et d’impossibilité de s’extraire du milieu et des lieux d’où l’on vient. Un tropisme d’autant plus fort chez les personnages qu’Offutt choisit de mettre en scène, issus de communautés repliées sur elles-mêmes et au sein desquelles les solidarités nécessaires le disputent aux haines inévitables qui ont tôt fait de tourner en d’interminables vendettas.

Gerald, obligé pour se faire accepter de la famille de sa femme, d’aller chercher le frère de cette dernière, blessé, dans le Nebraska et, donc, de quitter pour cela ses collines. Le shérif-adjoint Goins, parti depuis longtemps des collines et des bois pour descendre dans le gros bourg du comté et confronté à une ancienne histoire de querelle familiale à travers un vieil homme et une veille femme. Tilden qui creuse des tombes dans l’Idaho. Zules le camionneur coincé par une inondation dans l’Oregon. Ray, à qui le fait de retrouver la communauté des gens du Kentucky à Detroit a donné l’envie de revenir dans ses collines et qui s’y trouve maintenant coincé. Eux et d’autres encore, dont Chris Offutt croque ici le portrait, sont tiraillés par le désir de vivre mieux et le besoin de continuer à vivre comme ils l’ont toujours fait, entre la recherche d’une liberté individuelle, affranchie du poids des traditions de leurs communautés isolées, et le besoin viscéral de vivre hors du carcan des lois imposées par l’État. Ce sont ces envies et besoins contradictoires qui mènent régulièrement à l’explosion d’une violence parfois physique, toujours morale.

À mots comptés et pesés, sans s’arroger le droit de juger ses personnages mais avec la volonté de les montrer tels qu’ils sont, avec leurs failles et leurs forces, Chris Offutt nous offre une fois encore un magnifique recueil de nouvelles.

Chris Offutt, Sortis du bois (Out Of the Woods, 1999), Gallimard, La Noire, 2002. Traduit par Philippe Garnier. 147 p.

Du même auteur sur ce blog : Kentucky Straight ; Nuits Appalaches ;

Publié dans Noir américain

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