Power, de Michaël Mention
Charlene a seize ans quand elle rejoint la section de Philadelphie des Black Panthers en 1967. Au même moment, à Los Angeles, Neil, jeune officier de police idéaliste écœuré par le racisme de ses collègues se laisse aller à une certaine sympathie pour les mouvements contestataires de son temps. Quant à Tyrone, le FBI le fait sortir de sa prison de Cook County pour infiltrer les Black Panthers de Chicago.
Ce sont ces trois personnages que Michael Mention nous propose de suivre durant quatre années, en même temps que le Black Panthers Party, de son apogée au début de son déclin. Bien entendu, chacun évoluera à sa manière. Charlene va prendre de l’assurance et devenir une militante de choc, Neil va peu à peu perdre ses illusions et basculer, et Tyrone, en s’enfonçant dans la trahison en même temps qu’il grimpe les échelons au sein du BPP va se perdre lui-même.
Michael Mention semble aborder ce roman avec une double ambition. Celle de faire connaître une page importante mais méconnue de l’histoire américaine contemporaine tout en nous parlant, en creux de notre société actuelle. Celle aussi de mettre au service de ce récit une écriture formellement originale. Tout cela est louable.
Mais il y a un pas entre l’ambition et sa réalisation. C’est à mon sens là que pèche Power. Sur la forme, on peine à vraiment trouver une véritable originalité. Michael Mention use et abuse de gimmicks déjà lus. Paragraphes coupés par des paroles de chansons sensées faire échos aux pensées des personnages ou au déroulement de l’action ; ce qui va de pair avec une utilisation ad nauseam du name-dropping musical, écriture hachée qui doit exprimer la tension :
« Je contemple son torse déchiqueté, ces plaies d’où s’écoulent de petites rivières se rejoignant en mare. Il s’en échappe des volutes, serpents vaporeux qui m’ensorcellent.
(Inspiration)
Je me redresse.
(Expiration)
Essuie mon couteau.
(Obsession) »
Cela donne un ensemble extrêmement surécrit et, partant, lassant, à partir notamment de l’entrée en scène des trois personnages qui arrive après près d’une centaine de pages d’introduction à propos de la naissance des Black Panthers durant laquelle les artifices d’écriture cachent mal un digest de toute la littérature portant sur la question.
Sur le fond, si l’intention est, nous l’avons dit, louable, les trois personnages que l’on suit restent extrêmement stéréotypés et sombrent souvent dans la caricature, particulièrement Neil dont la trajectoire relève du grand guignol. C’est que Michael Mention, comme emporté par son enthousiasme pour la période qu’il décrit, s’était senti obligé de mettre dans son roman tout ce qui se passe aux États-Unis dans ces années-là et qui est entré dans notre imaginaire collectif par le biais de la musique, du cinéma, de la littérature : on a donc droit à Woodstock, au tueur du zodiaque, à la Manson Family et, bien entendu, à la quasi intégralité de la scène musicale. L’ensemble, réhaussé donc par des scènes d’action – fusillades, meurtres sordides ou torture – se révèle vite pesant et, en fin de compte sans réelle profondeur dans la réflexion sur le mouvement des Black Panthers comme le laissait présager l’introduction
En fin de compte, on reste dubitatif face à ce roman qui, sous l’avalanche de documentation, reste finalement assez superficiel et semble plus jouer la carte d’un tape-à-l’œil assez convenu que du brulot édifiant tel qu’il est présenté dans nombre de recensions dans la presse ou sur internet. Peut-être en attendait-on trop
Michaël Mention, Power, Stéphane Marsan éditions, 2018. 454 p.