Jacqui, de Peter Loughran

Publié le par Yan

« Vous avez déjà tué quelqu’un ?  Et puis tenté de vous débarrasser du cadavre ? Le corps humain, c’est un truc incroyablement difficile à faire disparaître. »

Le ton est donné dès les premières lignes de Jacqui. Jacqui… « Si son quotient d'intelligence et de savoir-vivre avait été proportionnel à la densité de son système pileux, je n'aurais jamais eu avec Jacqui les problèmes que j'ai rencontrés en la fréquentant. » nous dit le narrateur à propos de cette jeune femme au système pileux trop développé pour être honnête et qui est devenue un cadavre bien encombrant.

Ce chauffeur de taxi, célibataire endurci et, pour tout dire assez peu sociable et carrément handicapé dans ses relations avec l’autre sexe, est donc tombé amoureux de la mauvaise personne. Et Jacqui, quant à elle, a parié sur le mauvais cheval aussi, mais elle ne s’en est aperçue que bien trop tard, au moment où elle s’est fait assassiner. Ce sont des choses qui arrivent : « Je ne m’étais pas si mal conduit envers elle, d’ailleurs. Oui, je l’avais tuée, mais on doit tous mourir un jour. »

Misogyne, bas du front, veule, le narrateur de Jacqui a tout pour plaire et pourrait presque être un héros de Jim Thompson s’il n’était pas aussi bête, ce qui le ramène plutôt au niveau bien moins flatteur d’un Royston Blake dont on peut d’ailleurs se demander si son créateur, Charlie Williams, ne s’est pas inspiré de Loughran.

Autant dire que ce qui nous est réservé là est une histoire d’un sordide achevé, qui commence par une courte réflexion sur les pires moyens de se débarrasser du cadavre de l’être aimé avant de se poursuivre par le récit des événements qui ont mené au drame et de s’achever par celui de la manière dont notre héros finit par trouver le moyen de dissimuler le corps, cet amas de chair « plus difficile à dissimuler qu’une érection dans un slip de bain. » Souvent perplexe, régulièrement étonné, on suit pas à pas le processus décrit avec précision par notre chauffeur de taxi, très attaché aux détails et, aussi, à justifier ses actes aussi injustifiables soient-ils avec un cynisme sidérant.

Et donc on rit. Jaune, souvent, tant la violence qui se cache derrière le ton faussement mesuré du narrateur est déstabilisante. Mais on rit, oui, et l’on prend un véritable plaisir – pervers, bien entendu – à suivre les jugements de café du commerce de ce brave chauffeur de taxi à l’amour blessé. On signalera aussi au passage l’humour de la – encore – très belle couverture des éditions Tusitala qui, décidemment, n’en finissent pas de dégotter des pépites oubliées ou passées sous les radars. On n’a toujours pas lu Londres Express, du même Peter Loughran, roman culte pour beaucoup, paru en son temps à la Série Noire, mais on va y remédier.

Peter Loughran, Jacqui (Jacqui, 1984), Tusitala, 2018. Traduit par Jean-Paul Gratias. 249 p.

Publié dans Noir britannique

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C
Et bien voilà, ma curiosité pour ce roman est éveillée. Je le note
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B
ça y est je me suis procuré les deux ! merci de vos conseils bon anniv continuez (cette fois ci je z) je vous fait confiance pour mes choix et que ça dure!!! très souvent je suis sur votre longueur d'ondes cordialement
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Y
Bonne lecture !