Cirque mort, de Gilles Sebhan

Publié le par Yan

Dapper est un lieutenant de police affligé par la disparition de son enfant. Un jeudi, Théo neuf ans, n’est pas rentré de l’école. Dans cette ville du nord aux hivers mornes et froids, les choses avaient commencé à se dérégler un an auparavant. Un matin, les enfants qui se rendaient à l’école avaient découvert sur leur chemin les animaux du cirque qui faisait alors halte dans la cité, dépecés sur la neige qui recouvrait la place. Théo avait un peu changé depuis… puis il s’était volatilisé. D’autres enfants aussi. Une lettre anonyme laisse croire à Dapper que son fils est vivant. Elle oriente le policier vers le docteur Tristan, directeur d’un hôpital psychiatrique accueillant enfants et adolescents. Là, outre cet étrange médecin, le policier rencontre Ilyas, un adolescent qui dit être l’ami de Théo et qui, surtout, dit être encore en contact avec lui par le biais de visions. Dapper, qui a la sensation d’avoir tout perdu, qui voit l’enquête menée par ses collègues s’enliser depuis des mois, se laissera-t-il tenter par la croyance dans les pouvoirs de cet étrange garçon ?

 

C’est un livre étrange que Cirque mort, qui se place aux limites du roman noir et du fantastique. Cela tient bien entendu à l’histoire mais aussi – et même surtout – à l’ambiance qu’arrive à installer Gilles Sebhan. Il y a cette ville anonyme qui semble constamment écraser sous une grisaille de plomb qui n’est certainement que l’écho des sentiments de Dapper, il y a les murs de l’institution que dirige Tristan et, surtout, il y a les enfants. Ce avec quoi joue Sebhan, c’est cette étrange période qu’est l’enfance, la manière dont, adultes, on en garde un souvenir et on en a une vision tronquée, déformée et ce moment où l’on cesse de vraiment comprendre ce qui peut passer par la tête d’un enfant. C’est ce fossé entre le monde des adultes et celui des enfants, que Sebhan transforme en quelque sorte en abyme. Dès lors, l’enfance revêt un aspect mystérieux et même ici, inquiétant. Des forces sont à l’œuvre qui échappent autant à un Dapper qui a toutes les raisons d’oublier qu’il a été un enfant qu’au lecteur, et cette aura pesante rend Cirque mort particulièrement oppressant.

Un peu comme Écorces, de Xavier Gloubokii, le roman de Gilles Sebhan est un de ces livres qui mettent mal à l’aise, qui semblent chercher l’inconfort du lecteur et qui, derrière une intrigue qui paraît en fin de compte relativement banale, cachent un monde bien plus ample et, surtout, de multiples niveaux de lecture – l’enfance, donc, et ses mystère, les dérives de la psychiatrie, la folie vue comme l’ultime moyen d’accès à la compréhension du monde – qui viennent se nicher dans une multitudes de détails. Une véritable curiosité.

Gilles Sebhan, Cirque mort, Rouergue Noir, 2018. 148 p.

 

 

Publié dans Noir français

Commenter cet article

V
L'ambiance glauque et le bizarre sont aussi ce que j'ai retenu de ce polar au demeurant très bon !<br /> https://mesmiscellanees.blogspot.fr/search/label/SEBHAN%20Gilles
Répondre