L.A. Nocturne, de Miles Corwin
Commençons par les choses qui fâchent. « Une description au vitriol de l’antisémitisme dans la police de L.A. à cette époque » nous dit, sur la couverture du roman, une citation de M le magazine du Monde. Sauf que le roman de Miles Corwin, s’il met en scène, comme d’habitude, un personnage principal juif n’aborde pas la question de l’antisémitisme dans la police de Los Angeles, ni à cette époque (l’après-guerre) ni à une autre. Tout au plus, au début du roman, fait-il allusion au fait que les policiers juifs sont affectés dans les quartiers juifs et les noirs dans les quartiers noirs. Bref, tout ça pour dire que non seulement le critique du Monde n’a pas lu le roman, pas plus d'ailleurs que celui qui, chez Points a décidé de coller cette citation en couverture. Passons.
Nous sommes donc à Los Angeles en 1946. Jacob Silver, policier en uniforme, est appelé par sa hiérarchie pour rejoindre provisoirement la brigade chargée des homicides. En effet, un journaliste a été assassiné en même temps qu’un truand qu’il employait à ce moment-là comme garde du corps. Or, le truand en question travaillait aussi pour Mickey Cohen, le parrain juif de la ville, et ce dernier refuse de parler à la police. Silver ayant connu Cohen dans sa jeunesse, ses chefs pensent qu’il pourrait le convaincre de parler. C’est aussi pour Jacob Silver l’occasion de gagner pendant quelques semaines un statut d’inspecteur qui lui permettrait de pousser quelques portes auprès du comité de la Croix Rouge afin d’essayer d’obtenir des nouvelles de ses parents et frères qui, contrairement à lui, n’ont pas pu quitter l’Allemagne après 1933 et ont été déportés pendant la guerre.
Le roman de Corwin suit donc deux intrigues parallèles. D’une part la quête personnelle de Silver, d’autre part son enquête sur le meurtre du journaliste Creighton Cavanaugh qui, au fur et à mesure qu’elle avance, lui révèle la corruption d’une partie des services de police et de la municipalité en lien avec différentes grandes entreprises qui ont décidé de mettre le grappin sur certains programmes immobiliers.
Le lecteur de romans noirs retrouvera dans L.A. Nocturne une ambiance générale et une intrigue relativement proches de certains romans du Quatuor de Los Angeles de James Ellroy. Ne comparons pas cependant ce qui n’est pas comparable : Miles Corwin n’a pas la plume d’Ellroy, ni son cynisme. Pour autant, L.A. Nocturne n’est pas fade. D’abord parce que Corwin campe bien son personnage principal, ensuite parce qu’il sait composer une belle ambiance ; celle d’une Los Angeles en pleine mutation, dans laquelle le smog fait son apparition, où la voiture s’impose au détriment des tramways et où les quartiers populaires du centre se font grignoter par les appétits des promoteurs immobiliers avec la complicité des fonctionnaires municipaux et des faiseurs d’opinions. On pourra certes regretter parfois des situations un peu trop stéréotypées et une fin qui sent bon la guimauve, mais il n’en demeure pas moins que l’on passe un bon moment de lecture. Miles Corwin, comme dans ses autres livres, se révèle être un bon artisan du genre doté d’une plume qui sans être particulièrement remarquable n’a pas de grands défauts et est efficace. C’est une bonne lecture d’été.
Miles Corwin, L.A. Nocturne (L.A. Nocturne, 2015), Calmann-Lévy, 2016. Rééd. Points Policier, 2017. Traduit par Marie-France Paloméra. 398 p.
Du même auteur sur ce blog : Kind of Blue ; Midnight Alley ;