Midnight Alley, de Miles Corwin
Deuxième enquête pour Ash Levine. Rien que de très banal au départ puisqu’il s’agit d’enquêter sur la mort de deux jeunes noirs abattus dans une ruelle de Venice. Sauf que les deux victimes ont des profils atypiques. L’un est un vétéran d’Irak et d’Afghanistan, fils attentionné et sportif émérite, l’autre, s’il est proche d’un gang, est aussi et surtout le fils d’un conseiller municipal. Et c’est pour cela que la brigade à laquelle appartient Levine, la Felony Special, a hérité de l’affaire. Et plus l’inspecteur va avancer, plus il va s’apercevoir que, derrière les apparences d’un banal règlement de compte, c’est autre chose qui est en jeu. Car Teshay Winfield, le soldat bien rangé, était impliqué dans un trafic de trésors archéologiques volés à Bagdad.
Encore une fois, c’est-à-dire comme dans Kind of Blue, il n’y a rien de bien original sur la forme. L’enquête que mène Levine est on ne peut plus classique, les rebondissements de la fin sont certainement un peu trop tirés par les cheveux et l’on pourra s’agacer au cours de la lecture, de quelques incohérences assez flagrantes.
Pourtant, comme dans Kind of Blue, encore une fois, l’ensemble fonctionne plutôt bien.
D’abord parce que Miles Corwin continue de creuser son personnage d’Ash Levine et de lui conférer une véritable complexité. Ce policier juif, fils d’un rescapé de la Shoah, qui porte sur ses épaules le poids de l’Histoire et se sent investi d’une mission, a tout du héros de polar classique mais avec cette épaisseur en plus que lui confèrent les conflits intérieurs qui l’agitent et que Corwin aborde avec finesse.
Ensuite parce que Miles Corwin connaît bien le dessous des cartes (il est d’ailleurs l’auteur d’Homicide Special, enquête journalistique au cœur de la brigade des homicides du LAPD parue en France il y a quelques années chez Sonatine) et rend particulièrement bien les conflits internes, les arrangements qu’il faut mettre en place et les concessions qu’il faut faire pour des questions de relations publiques et de budget dans un service de police trop longtemps agité par de multiples scandales et dont l’image s’est énormément dégradée. On pourra d’ailleurs regretter que certains aspects, en particulier le personnage du conseiller municipal, ne soient pas un peu plus développés.
Enfin parce que derrière tout cela, Corwin donne vie à un autre personnage important, Los Angeles elle-même, avec ses multiples facettes, ses paysages, le vent de Santa Ana qui souffle continuellement sur ce roman, et ses populations qui se croisent mais peinent à vivre ensemble.
Cela donne une fois encore un roman pas dénué de défauts mais plutôt séduisant, un page turner prenant mais aussi doté d’une certaine intelligence. Efficace.
Miles Corwin, Midnight Alley (Midnight Alley, 2012), Calmann-Lévy, 2014. Rééd. Points Policier. Traduit par William Olivier Desmond. 429 p.
Du même auteur sur ce blog : Kind of Blue ; L.A. Nocturne ;