L’exil des mécréants, de Tito Topin

Publié le par Yan

Dans un futur proche, la majorité des États s’est entendue pour faire cesser les conflits interconfessionnels. La solution a été simple : proclamer que les trois grands monothéismes vénèrent le même Dieu et trouver de nouveaux ennemis. En l’occurrence, les polythéistes et autres athées. Le pouvoir des Églises, quelle que soit leur confession, à cela de pratique qu’il permet d’imposer sa vision avec l’argument imparable qu’il s’agit de la volonté de Dieu. Ainsi se sont créés un peu partout, sous l’impulsion des nouveaux États théocratiques des centres d’inoculation de la foi. Pour ceux qui veulent échapper à ce système, pas d’alternative si ce n’est l’exil vers des pays qui n’ont pas encore basculé.

C’est le cas de Boris, journaliste libre penseur qui a eu le malheur d’accuser en son temps de pédophilie un évêque qui flirte maintenant moins avec les enfants, mais plus avec le pouvoir. Traqué par la police, Boris fuit vers le Portugal entrainant à sa suite Soledad, amour de jeunesse, et deux rencontres de circonstance, Anissa, qui a commis la faute d’être enceinte sans être mariée, et Pablo qui a eu la mauvaise idée de posséder une voiture et de se retrouver sur le chemin de Boris lorsqu’il a dû fuir.

C’est cette cavale qui ouvre le roman de Tito Topin jusqu’à l’arrivée au Portugal où les autorités françaises ont envoyé à la poursuite du journaliste blasphémateur une policière et un tueur. De fait, elle fait même un peu plus qu’ouvrir le roman pour en constituer plus de la moitié. Une première grande partie très efficace sur le plan du rythme – haletante, pourrait-on dire, si le mot n’était pas galvaudé par les chroniqueurs comme par les éditeurs – et d’une ironie salutaire. C’est aussi la partie qui se rapproche le plus d’un polar d’une facture assez classique, récit d’une cavale dans laquelle se trouvent entraînés certains personnages à leur corps défendant tout en finissant par y trouver leur place et même en devenir des moteurs.

Si la seconde partie, suivant l’arrivée au Portugal du groupe de fuyards n’abandonne pas totalement l’humour ni les motifs habituels de ce genre de polar, elle est aussi l’occasion pour Tito Topin d’appuyer un peu plus sa description du contexte dans lequel se déroule l’intrigue. Présent jusqu’alors par petites touches qu’un cynisme bien tourné pouvait rendre amusantes, il devient ici bien plus angoissant et effrayant jusqu’à une fin aussi optimiste que désespérante (je vous assure que c’est possible).

On pouvait craindre à la lecture de la quatrième de couverture le roman engagé et lourdingue, et si Tito Topin n’échappe pas parfois à une certaine propension à la démonstration un peu forcée, il réussit dans l’ensemble à éviter cet écueil. Il arrive ainsi à proposer un roman certes à message, mais aussi et surtout une bonne uchronie mâtinée d’un polar bien mené que l’on prend un réel plaisir à lire.

Tito Topin, L’exil des mécréants, La Manufacture de Livres, 2017.

Du même auteur sur ce blog : Libyan Exodus ;

Publié dans Noir français

Commenter cet article