La maison hantée, de Shirley Jackson
Après Nous avons toujours vécu au château, paru en 2012, les éditions Rivages continuent avec La maison hantée la réédition des chefs-d’œuvre horrifiques de Shirley Jackson. Et le moins que l’on puisse dire est que cela vaut le coup, au moins pour ceux qui comme moi, sont complètement passés à côté des éditions précédentes.
La maison du titre, c’est Hill House, impressionnant demeure bâtie par un riche industriel au XIXè siècle et que personne, depuis la mort des héritières du premier propriétaire, ne semble pouvoir habiter. Une maison tellement effrayante que les habitants du village le plus proche ont renoncé à s’aventurer à ne serait-ce que quelques kilomètres de cette espèce de manoir biscornu. C’est là que le docteur Montague, universitaire travaillant sur les phénomènes paranormaux, a décidé de convier pour les besoins d’une enquête des personnes qu’il juge particulièrement réceptives aux phénomènes surnaturels. Il y a Luke, héritier de la famille actuellement propriétaire de la maison, la fantasque Theodora et surtout la réservée Eleanor.
Enfermés dans la propriété, nos quatre protagonistes vont donc se confronter à Hill House et à ce qui semble l’habiter. Des portes qui se ferment toutes seules, des particularités architecturales qui mettent les sens à l’épreuve, des bruits, des courants d’air froid, une gouvernante inquiétante, et de façon générale l’aspect terriblement menaçant de la maison sont les ingrédients dont use Shirley Jackson. Rien de particulièrement original, a priori. Sauf que, pour lier le tout, elle jette là-dedans Eleanor. Eleanor et ses angoisses. Eleanor et sa difficulté à s’insérer dans un groupe. Eleanor et son besoin d’être aimée. Eleanor et sa fascination ambigüe à l’égard de Theodora.
C’est ainsi, par petites et subtiles touches, sans effets inutiles et par la grâce d’une écriture aussi précise que vénéneuse que Shirley Jackson instille à son roman une impressionnante sensation de malaise. De la confrontation entre les personnages, de leurs propres confrontations à la maison mais aussi de la manière dont ils finissent par se confronter à eux-mêmes naît une angoisse diffuse dans laquelle s’englue le lecteur, pris dans l’admirable toile d’araignée que tisse Shirley Jackson.
Autant dire que les amateurs d’épouvante et de tension psychologique gagneront à se pencher sur ce séduisant roman.
Shirley Jackson, La maison hantée (The Haunting of Hill House, 1959), Rivages/Noir, 2016. Traduit par Dominique Mols et révisé par Fabienne Duvigneau. 270 p.
Du même auteur sur ce blog : La Loterie et autres contes noirs ;