Bull Mountain, de Brian Panowich

Publié le par Yan

Au Nord de la Géorgie, dans les Appalaches, le comté de McFalls vit sous la domination du clan Burroughs. Montagnards spécialisés dans la production d’alcool de contrebande, puis de cannabis et enfin de méthamphétamine, les Burroughs, grâce à leur violence et à un approvisionnement régulier en armes ont su imposer leur loi dans la Bull Mountain qui domine la vallée. Surtout, ils ont su rester en dessous des radars des agences fédérales, ce qui leur a permis de faire prospérer leurs trafics. C’est aussi un Burroughs, Clayton, qui occupe la fonction de shérif. Un shérif haï par sa propre famille mais qui reste toutefois prudemment à l’écart de toute velléité d’arrêter son frère, Halford, dont les explosions de violence confinent à la folie. Jusqu’au jour où Holly, un agent de l’ATF, débarque avec un marché qui met Clayton en porte-à-faux. Une situation que résume assez simplement sa femme, Kate :

« Ce que je comprends (…) c’est que tu envisages de te maquer avec les fédéraux qui ont tué un de tes frères puis d’essayer de convaincre ton autre frère, l’autoproclamé parrain des ploucs de Bull Mountain, de laisser tomber l’entreprise criminelle de toute une vie, et après, quoi ? Tu vas à la pêche ? »

Sauf que, même si les choses paraissent déjà compliquées, elles le sont en fait encore plus, car l’agent Holly n’a peut-être pas tout dit à Clayton.

On a évidemment tôt fait, en lisant le début de Bull Mountain, de penser à Daniel Woodrell et particulièrement à Faites-nous la bise. L’affrontement de deux frères que tout a fini par séparer, les montagnes devenues un refuge dans lequel la police n’ose pas pointer le bout de son nez, la manière dont la violence se transmet de génération en génération, tout est là. Panowich, cependant, va certainement plus loin dans la violence et la noirceur que Woodrell mais aussi, au jeu de la comparaison, certainement moins loin dans la subtilité.

Certes, Bull Mountain est incontestablement un bon roman noir et Panowich, dans une grande première partie, met en place une captivante saga familiale dans laquelle le sang ne cesse de couler. Il crée aussi des personnages forts : Angel la prostituée défigurée, Gareth Burroughs, modelé par son père et un meurtre fondateur, Clayton et ses tourments, partagé entre les liens du sang et le désir de s’éloigner du clan. C’est tout cela, avec aussi une habileté certaine dans la construction, qui permet de saisir le lecteur et de ne plus le lâcher, qui fait de Bull Mountain un bon roman.  

On pourra néanmoins regretter le manque d’épaisseur de certains personnages – à commencer par Halford – et une multiplication de twists dans la partie finale du roman qui laissent finalement sur une impression mitigée : tout cela commençait avec l’impression de se trouver confronté à un auteur conférant un véritable souffle épique et tragique à son histoire, et l’on ferme le livre avec la sensation d’avoir vu à l’œuvre un très bon faiseur.

La réalité se situe sans doute entre les deux. Brian Panowich montre avec ce premier roman remarquable par son ambition qu’il en a sous la semelle. Peut-être que s’il arrive à se débarrasser des béquilles que sont ces « trucs » d’écrivain qui permettent de clore une histoire sans se fatiguer en ménageant un suspense un peu artificiel, il saura nous livrer non pas un bon mais un grand roman.

Brian Panowich, Bull Mountain (Bull Mountain, 2015), Actes Sud, coll. Actes Noirs, 2016. Traduit par Laure Manceau, 328 p.

Publié dans Noir américain

Commenter cet article

G
je rejoins ton point de vue. J'avais lu pour l'instant que du bien sur ce roman mais il m'a laissé peu enthousiaste arrivé à la fin.
Répondre
E
je commente un peu tard mais mon amie Marie-Claude et le Bouquineur ont également été fort déçus et ta chronique conforte leurs dires. J'ai le livre sous le coude (en anglais), et depuis je reporte la lecture... on l'a un peu trop encensé .. et quand je lis Woodrell - que j'adore - je me méfie !
Répondre
Y
Oui, il y a de bonnes choses dans ce livre, mais aussi beaucoup de clichés et de maladresses. Il n'est à mon sens pas à la hauteur des éloges qui lui ont été tressés.
V
c'est un polar que j'ai beaucoup aimé ! et puis finalement, ces quelques défauts, ce n'est pas grand chose pour un premier roman ?
Répondre
Y
C'est à mon avis un bon roman. Certainement pas le grand roman que l'on m'avait annoncé à plusieurs reprises. J'ai pris plaisir à le lire mais il ne me laissera pas un souvenir impérissable. Je suis déçu parce que je pense qu'il y avait matière à faire un grand roman et que cette fin (les 100 dernières pages, en gros), bourrée de twist, de poncifs, gâche ça.