La servante et le catcheur, d’Horacio Castellanos Moya
En pleine guerre civile, un jeune couple disparaît, enlevé par les escadrons de la mort qui quadrillent San Salvador. María Elena, employée de la famille des jeunes gens, tente de les retrouver en contactant le Viking. Ancien catcheur devenu policier et spécialiste dans la traque et la torture des opposants, le Viking a un jour été amoureux de María Elena. Pourrissant aujourd’hui de l’intérieur, proche de la mort, il n’est pas dit qu’il puisse l’aider ou même qu’il le veuille.
En un peu plus de 230 pages qui content 48 heures de course dans la capitale salvadorienne à la fin des années 1970 et à travers les trajectoires de quelques personnages, Horacio Castellanos Moya suit méthodiquement l’engrenage de la violence et dépeint avec finesse une société qui semble s’être résolue à la situation et dans l’incapacité d’échapper à cette mécanique immuable.
Dans ce pays écrasé par la chape de plomb que fait peser l’arbitraire policier, dans cette ville que semble dominer le Palais Noir dans les sous-sols duquel les escadrons de la mort torturent à la chaîne sans autre objectif que de terroriser la population, nul ne peut échapper à la tragédie qui se joue. C’est là tout le propos de Castellanos Moya : flics, étudiants engagés dans la rébellion, citoyens lambda qui ne désirent rien d’autre que survivre sans prendre parti, « Ici, on porte tous la mort sur la tronche » comme le dit, fataliste, le Viking. De fait, María Elena, sa fille Belka, son petit-fils Joselito, trois générations et autant d’options différentes choisies pour tenter de survivre dans la société qui leur est proposée ne peuvent trouver, au bout du chemin, que l’inévitable tragédie qui se construit sous la plume sèche et définitive d’Horacio Castellanos Moya.
Livre noir et politique, œuvre chorale et morale, La servante et le catcheur est de ces romans qui en disent autant sinon plus que bien des essais désincarnés. Il rend avec une force étonnante l’atmosphère écrasante d’un pays en train d’exploser et se révèle aussi édifiant que bouleversant.
Horacio Castellanos Moya, La servante et le catcheur (La Sirvienta y el Luchador, 2011), Éd. Métailié, 2013. Rééd. Métailié Suites, 2015. Traduit par René Solis. 238 p.
Du même auteur sur ce blog : Moronga ;