Enfants de poussière, de Craig Johnson

Publié le par Yan

La découverte au bord d’une route du cadavre d’une jeune asiatique fait remonter à la surface les souvenirs du Vietnam que Walt Longmire avait enfouis. Par ailleurs, un indien aussi imposant physiquement que mutique présent sur les lieux paraît être le coupable idéal.

Voilà qui suffit à Craig Johnson pour se lancer dans ce qui est certainement l’un des meilleurs romans de sa série consacrée au shérif Longmire du comté quasi désertique d’Absaroka, Wyoming. Deux lignes de force s’étirent donc dans Enfants de poussière. Celle qui débute au Vietnam dans les pas d’un jeune Walt Longmire chargé d’enquêter sur le trafic de drogue à l’intérieure d’une base américaine et s’achèvera nécessairement quarante ans plus tard dans un Wyoming écrasé par la chaleur, d’une part. Celle d’abord ténue et qui se matérialise peu à peu suivie par ce mystérieux colosse amérindien depuis l’époque de la guerre du Vietnam là aussi et qui se poursuit dans une cellule devant un jeu d’échecs.

On a vécu avec Little Bird et Le camp des morts, les rigueurs du blizzard dans les Bighorn Moutains, on a suivi Longmire à Philadelphie dans L’indien blanc ; c’est une nouvelle saison et de nouvelles facettes des personnages de Craig Johnson que l’on découvre ici. Une fois de plus, Johnson réussit à allier avec bonheur une enquête palpitante et le tableau de la petite communauté du comté d’Absaroka, révélant encore une fois les tensions entre communautés et à l’intérieur de ces dernières mais aussi les solidarités villageoises et les difficultés de cette vie isolée du monde, de l’impossibilité de se connecter convenablement à un réseau téléphonique ou électronique en passant par le douloureux portrait de ces deux frères qui découvrent le cadavre. Ainsi, par petites touches, Craig Johnson se fait le chantre d’une communauté qui, si elle n’est pas parfaite, si elle a ses antagonismes, n’en demeure pas moins et par la force des choses, une société dans laquelle l’entraide tient une place essentielle. L’immission par ailleurs dans ce monde du spectre de la guerre du Vietnam apporte une épaisseur supplémentaire au roman. D’abord parce que Craig Johnson choisit de ne pas aborder frontalement le sujet et que, si Longmire y apparaît plus ou moins comme un héros, la guerre dans laquelle il se dépêtre n’a, elle, rien d’héroïque, ensuite parce qu’elle éclaire d’un nouveau jour le personnage et son amitié avec Henry Standing Bear.  

Il ressort de tout cela la sensation d’avoir lu un bon polar, efficace et ponctué d’un humour bienvenu, mais aussi et surtout celle d’avoir lu un très beau roman sur ce qui façonne les femmes et les hommes : leur histoire, bien entendu, mais aussi celle de ceux qui les ont précédés, les lieux dans lesquels ils vivent – on pense ici à la référence permanente au Hole-in-the-Wall, repaire de la horde sauvage de Butch Cassidy et à la ville fantôme dans laquelle se joue une partie de l’intrigue – et les rencontres qui changent la vie pour le meilleur ou pour le pire.

Craig Johnson, Enfants de poussière (Another Man’s Moccassins, 2008), Gallmeister, 2012. Rééd. Gallmeister, coll. Totem, 2014. Traduit par Sophie Aslanides. 372 p.   

Du même auteur sur ce blog : Le camp des morts ; L’indien blanc ; Dark Horse ; Molosses ; Tous les démons sont ici ; Steamboat ; À vol d'oiseau ; La dent du serpent ;

Publié dans Noir américain

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O
J'ai vu que tu disais du bien de plusieurs livres de Craig Johnson. Je tourne autour des livres de cet auteur depuis un moment sans me décider, sans doute parce que ça me fait penser à Tony Hillerman qui a fini par m'ennuyer. Tu me conseilles de commencer par lequel ?
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Y
Je pense que le mieux est encore de commencer par le premier, Little Bird. Il y a des indiens, certes, en particulier dans ce roman-là, mais il s'agit avant tout des enquêtes de Longmire.