Règle n° 1, de Robert Crais
On a pris l’habitude d’être déçu par Robert Crais. Après des romans d’une plutôt bonne tenue sans être exceptionnels, alliant humour et action testostéronée avec le duo d’enquêteurs Elvis Cole et Joe Pike, Crais a eu vite fait – comme d’autres, d’ailleurs – de tomber dans la facilité, semblant répéter à l’infini le même roman ; ce qui n’est pas en soi une mauvaise chose, et Richard Stark ou Ed Mc Bain l’ont prouvé, si ce n’est que Crais, comme Connelly par exemple, se répète en enlevant toutes les fioritures qui donnent un cachet et, enfin de compte, un semblant d’âme à ses romans, et tend souvent à offrir au lecteur une intrigue très schématique, téléphonée, avec un nombre suffisant de rebondissements, mais qui s’affranchit de plus en plus de toute logique ou vraisemblance.
C’est dire si on a pris Règle n° 1 avec un a priori plutôt négatif en même temps qu’avec l’envie de lire un roman efficace, sans prise de tête… bref, de la littérature popcorn comme on aime parfois à en lire aussi, et avec l’espoir que cette fois Robert Crais prendrait un peu moins le lecteur pour un imbécile. En fin de compte, nos vœux ont été presque exaucés.
C’est Joe Pike qui est ici au centre de l’intrigue. Franck Meyer, un des hommes de Pike à l’époque où il vendait ses talents de mercenaires, vient d’être assassiné en même temps que sa famille. Décidé à retrouver les coupables sur lesquels la police semble très loin de mettre la main, Pike s’oriente vite vers une organisation criminelle serbe.
Exit donc, ou presque, Elvis Cole qui ne tient ici qu’un rôle très secondaire, ce qui entraîne par la même occasion une chute importante du taux d’humour du roman. Car, disons le, ce qui plaisait aussi au départ dans cette série de romans, c’était bien l’humour à froid de Cole. D’un autre côté, les bons mots des débuts n’ont fait que s’estomper au fil du temps en même temps que le taciturne Pike grignotait la place de personnage principal. On n’est donc pas étonné.
Et, en fin de compte, on prend un certain plaisir à la lecture de ce roman. Pour une fois, malgré quelques circonvolutions inutiles qui font que l’on peut considérer que le livre aurait gagné à être un peu plus court, l’intrigue se trouve bien menée, avec son lot de rebondissements et de scènes d’actions bien dosées. On regrettera toutefois le fait que si Robert Crais semble vouloir faire de Pike un personnage ambigu, il se sent malgré tout toujours obligé de venir nous prouver comment il est au fond un garçon charmant, équilibré et très, très gentil. Ainsi, de sa seule mission en tant que mercenaire à laquelle il est fait allusion, on apprend qu’elle consistait à protéger des villages d’Afrique centrale dans lesquels des soldats venaient enlever des adolescentes pour les violer. Car, c’est bien connu, dans cette région du monde, on fait régulièrement appel à des mercenaires américains que l’on paie rubis sur l’ongle. Ce côté « Agence tous risques » plein de bons sentiments peut parfois agacer. Surtout, il vient plomber la fin du roman, dans les toutes dernières pages, en en rajoutant encore dans la guimauve.
Mais, au fond, tout cela n’est pas bien grave. On a eu notre moment de lecture sans prise de tête, on a passé un plutôt bon moment et on n’a pas été trompé sur la marchandise : vite lu, vite oublié.
Robert Crais, Règle n° 1 (The First Rule, 2010), Belfond, 2011. Rééd. Pocket, 2012. Traduit par Hubert Tézenas.
Du mêm auteur sur ce blog : L.A. Requiem.