Perv, une histoire d’amour, de Jerry Stahl
Nous sommes en 1970, Bobby Stark à 15 ans et est interne dans une école privée. Tout bascule le jour où il perd son pucelage, en même temps que deux camarades, avec la très accueillante Sharon et que le père de cette dernière, un coiffeur manchot, débarque pendant que les trois gamins libidineux sont à la recherche de la capote que Bobby a perdu DANS Sharon.
À partir de ce moment, rien ne sera plus jamais pareil. Renvoyé de son école, Bobby, orphelin de père, doit rejoindre sa mère maniaco-dépressive à Pittsburgh. Une épreuve qu’il ne pourra pas supporter bien longtemps. La rencontre fortuite de Michelle, pour laquelle il avait le béguin depuis la maternelle, va entraîner Bobby à fuguer pour prendre la route direction Haight Ashbury, en stop. Mais le rêve hippie est déjà déclinant et l’on ne sait jamais si l’on va tomber sur les Merry Pranksters ou sur Charles Manson.
Épopée tragi-comique, chronique douce-amère d’une Amérique déboussolée qui perd ses illusions, Perv, est un récit à la fois d’une grande force comique – pour peu que l’on apprécie le deuxième, voire le troisième degré en la matière – et d’une grande intensité dramatique. Raconté à la première personne par le héros devenu adulte mais qui essaie de nous faire ressentir sa naïveté de l’époque, le récit mêle habilement l’innocence et l’inadaptation sociale du jeune Bobby et le cynisme empreint de tendresse du Bobby actuel envers cet ancien lui, gauche et trop soucieux des conventions pour être un vrai rebelle.
Comme dans ses autres romans, Jerry Stahl nous offre de fort beaux passages, comme touchés par la grâce, et se montre aussi habile dans les moments d’émotion subtilement décalés (« Je n’avais jamais avoué à quiconque avoir souhaité la mort de ma mère, et M. Schmidlap ne devait que rarement avoir eu l’occasion de faire des câlins avec son moignon. À nous deux, nous formions un petit club très fermé ») que dans des scènes d’une violence glaçante.
Dépourvu de nostalgie, ce roman jette un regard à la fois acerbe et attendri sur des années 1970, agitées mais pas forcément si belles que ça, où l’Amérique semble partir à la dérive et où, sous le verni de la recherche d’amour universel, personne ne semble prêt à s’accepter tel qu’il est.
Perv est un beau livre. Et puisque je découvre avec lui les éditions 13E Note, je précise que c’est aussi un bel objet.
Jerry Stahl, Perv, une histoire d’amour, 13E Note Éditions, 2011. Traduit par Philippe Aronson.
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