Monstres à l’état pur, de Miguel Ángel Molfino

Publié le par Yan

monstresàlétatpurEn 1968, dans le village isolé d’Estera del Muerto, en Argentine, le jeune Miroslavo, 18 ans, assiste au meurtre de ses parents. Craignant d’être accusé du meurtre, il enterre leurs corps avant de s’enfuir. Pris en stop par Hansen, inquiétant trafiquant d’armes, poursuivi par le redoutable et corrompu inspecteur Vellavarde, il découvrira ce que sont l’amour, la liberté et l’attrait de la violence.  

L’époque, la forme, entre western et roadtrip halluciné, comme les personnages – de Miroslavo agité par des crises mystiques et de dédoublement de la personnalité à Hansen, aussi menaçant que détendu, en passant par Lucrecia la prostituée décatie prise d’affection pour le jeune homme et Vellavarde suintant de corruption et de violence – tout est là dans Monstres à l’état pur pour évoquer le cinéma de Sam Peckinpah, que ce soit La horde sauvage ou Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia.

Dans cette province éloignée du Chaco qui semble obéir à des lois qui ne sont pas celles du reste du pays et où chaque homme croisé représente une menace potentielle, qu’il soit fermier, truand patenté ou policier, le voyage initiatique de Miroslavo prend la forme d’une sanglante épopée ponctuée de traits d’humour noir. C’est en jouant sur cette fine limite de chaque côté de laquelle on peut basculer soit dans la pire ignominie soit dans le plus grand guignol que Molfino réussit son roman. Cet équilibre précaire toujours maintenu jusqu’à un final apocalyptique qui voit la bêtise crasse de braqueurs qui se sont vus plus beaux qu’ils ne l’étaient se heurter à la violence animale de trafiquants d’armes et à l’innocence pervertie de Miroslavo est l’essence de ce roman violent qui porte un regard cynique et désabusé sur l’Argentine de ces années de dictature d’avant la junte mais aussi, plus largement, sur la nature humaine.

Porté par une écriture originale et changeante, alternant sécheresse de ton, dialogues percutants et moments introspectifs plus poétiques, et par des ruptures de rythmes, des changements de directions inattendus, Monstres à l’état pur est une belle découverte à mettre au crédit des éditions Ombres Noires et une nouvelle preuve de la richesse d’un roman noir argentin original et en renouvellement permanent.

Miguel Ángel Molfino, Monstres à l’état pur (Monstruos perfectos, 2010), Ombres Noires, 2013. Traduit par Christilla Vasserot.

Publié dans Noir latino-américain

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C
Yes, vraimet excellent cet argentin... et dire qu'on nous bassine avec des putains de nordiques quand en Amérique Latine - tiens, le nouvel Argemi aussi - ils sont sacrément forts et loin des<br /> panpan policiers/truands...
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Y
<br /> <br /> C'est le moins qu'on puisse dire. Belém aussi, côté Brésil, est excellent.<br /> <br /> <br /> <br />
S
Je n'y manquerais pas ! Mais je ne sais pas quand, j'ai une méga-pile qui me tend déja les bras !<br /> J'aime le noir !
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S
Bonjour !<br /> Intéressant, votre blog ! Plein d'auteurs que je ne connais pas; je vais essayer d'en lire au moins quelques uns. Celui-ci me tente...
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Y
<br /> <br /> Enchanté Simone,<br /> <br /> <br /> À l'occasion, dites-moi ce que vous aurez pensée de vos lectures.<br /> <br /> <br /> <br />