Les flics très hollywoodiens de Joseph Wambaugh
Tout lecteur de polars le sait bien, en particulier s’il a un tant soit peu fréquenté Ellroy, Hollywood n’est pas le paradis que l’on imagine souvent. Les rues de la cité du rêve sont peuplées d’acteurs ratés, de junkies, de voleurs et de touristes. Un mélange qui peut parfois être détonnant.
C’est cet Hollywood là que Joseph Wambaugh nous propose de visiter en nous embarquant tour à tour dans le quotidien des policiers et dans celui des truands. Lui-même ancien policier à Los Angeles, Wambaugh maîtrise son sujet dans la trilogie d’Hollywood qu’a récemment terminé d’éditer le Seuil.
Certes, l’expérience de l’auteur vient apporter de l’épaisseur à son sujet. Mais cela ne suffit pas à faire un bon livre. À cela Joseph Wambaugh ajoute un talent certain d’écrivain et la capacité à faire s’enchaîner dans de grands romans choraux les points de vue de ses nombreux personnages, sans pour autant perdre le lecteur. Maniant à merveille un humour qui ne peut que se nourrir d’anecdotes réelles, (« Agression en cours. Batman contre Spiderman. Batman vu pour la dernière fois en train d'entrer dans le Kodak Center. Personne qui a lancé l'appel est Marylin Monroe ») avec les moments plus dramatiques, il embarque le lecteur dans des histoires qui démarrent à cent à l’heure avant de s’étirer et de nous dévoiler les multiples facettes de l’âme humaine. Les flics ne sont pas tous des justiciers, ni des pourris ; les truands ne sont pas forcément le mal incarné, ni des personnes broyées par un système impitoyable. Pas de manichéisme, mais des tranches de vie, de ces petits moments ou tout bascule d’une minute à l’autre pour finir plus ou moins bien, dans un éclat de rire où dans les larmes.
On a tôt fait de s’attacher aux personnages : les deux flics surfeurs et glandeurs, Hollywood Nate le policier qui attend le rôle de sa vie au cinéma après avoir réussi à tourner une scène de trente secondes… Et Wambaugh, finalement, nous accroche en nous racontant le boulot quotidien de flics de base et de truands de bas étage. On en vient à croire que si c’est lui qui l’écrivait on pourrait même lire l’annuaire sans s’ennuyer.
Peut-être quelqu’un pourra-t-il confirmer ou infirmer mes doutes : j’ai la nette impression que les scénaristes de la série Southland, diffusée récemment sur Orange et qui utilise peu ou prou la même structure et le même fonctionnement de la trilogie d’Hollywood, se sont inspirés de Wambaugh. Quoi qu’il en soit, cette série est tout aussi recommandable que Flic à Hollywood, Corbeau à Hollywood et L’envers du décor.
La trilogie d’Hollywood :
Joseph Wambaugh, Flic à Hollywood, Seuil Policiers, 2008. Rééd. Point Policier, 2009. Traduit par Robert Pépin.
Joseph Wambaugh, Corbeau à Hollywood, Seuil Policiers, 2009. Rééd. Point Policier, 2010. Traduit par Robert Pépin.
Joseph Wambaugh, L’envers du décor, Seuil Policiers, 2010. Traduit par Robert Pépin.